Alice, de l’autre côté du miroir est un spectacle de théâtre tous publics (à partir de 7 ans) par la compagnie Terrain de jeu / Agnès Bourgeois, donné à La Girandole jusqu’au 26 novembre. Nous sommes allés voir une représentation le dimanche 12, dans le cadre du festival MARMOE de Montreuil. Si certains aspects du spectacle sont définitivement séduisants, il est difficile de complètement adhérer à la proposition parfois trop rêche.

Au chapitre des éléments réussis, qui nous ont convaincus, le texte, tel qu’il a été resserré, garde toute la fantaisie de Lewis Carol, avec un côté anarchique qui ne fait qu’ajouter à la teneur surréaliste du récit original. La langue est belle, elle coule bien, la syntaxe est sinueuse et on goûte le plaisir des mots qui roulent sur la langue de l’interprète.

La mise en scène, également, qui fait la part belle à des projections vidéos et expose Alice seule face au public, au milieu du plateau qui n’est guère habillé que d’une chaise, est plutôt convaincante, même si le choix opéré force la comédienne à être très statique. Les projections vidéos sur l’écran et les voiles tirés à fond de scène sont esthétiques, mais restituent aussi très bien les états mentaux d’Alice, même si certaines animations sont éprouvantes pour l’œil, et que le faisceau lumineux du projecteur derrière l’écran peut fatiguer à la longue. La sonorisation, assez abstraite également, parfois faite de bruits arrangés plutôt que de notes de musique, prolonge l’étrangeté du spectacle. L’ambiance dans la salle est irréelle, souvent même inquiétante.

Cependant, tout ceci place la comédienne dans une situation difficile : très exposée, à peine dérobée au regard pour quelques instants fugaces par la plongée de la scène dans le noir, elle est très peu libre de ses évolutions. Aussi piétine-t-elle beaucoup. Son jeu corporel se concentre sur son visage, mais son regard est perdu dans le vide la majeure partie du temps, parce qu’elle s’absorbe dans son récit : on a du mal, alors, à se relier à elle.

Sur le plan du texte, le spectacle est comme une longue narration, une énumération de souvenirs, mais il n’est pas restitué de façon bien lisible, et les changements d’adresse constants sont assez déroutants. Des choix qui ont été faits dans la direction d’acteur, il résulte que presque aucun passage ne prête à sourire, ce qui est bien dommage : Lewis Carol a infusé énormément d’humour dans son texte, mais presque toutes les occasions de le mettre en valeur sont manquées, à part dans la scène de Humpty Dumpty.

Au final, les jeunes spectateurs semblent sortir contents de la représentation, signe évident qu’elle a des choses à offrir. On ne passe effectivement pas un mauvais moment, mais on regrette que certains partis pris viennent empêcher de complètement prendre plaisir au spectacle.

A la Girandole jusqu’au 26 novembre, et de retour à Montreuil au Théâtre Berthelot les 14 et 15 février. En attendant, trois représentations à Anis Gras à Arcueil les 6, 7 et 8 décembre.

« Alice, de l’autre côté du miroir »
Du vendredi 10 novembre au dimanche 26 novembre 20h30 (dimanche 17h)
Mise en scène : Agnès Bourgeois
Image : Antoine Boutet
Musique : Fred Costa
Avec : Corinne Fischer
Auteur : Lewis Carroll
Visuels : © Cie Terrain de Jeu