Coralie Lagrifa

Longtemps, je pensais ma liberté acquise

Depuis des années, je me lève pour profiter du commencement d’un nouveau jour. Des jours qui filent et qui défilent, des jours qui parfois se ressemblent, parfois se distinguent, mais tous bercés par un sentiment de liberté. Libre à moi d’errer, de m’unir à d’autres, de voyager, de m’amuser ou encore de m’ennuyer. Quel qu’en soit le ton donné, je ne suis jamais rassasiée des surprises que nous offre chaque nouvelle journée.

Tandis que certains sont dans l’incapacité de s’affranchir, moi, j’ai cette chance. C’est une denrée rare, pourtant, encore à mon âge, je continue de m’émanciper chaque jour un peu plus. Je teste, je goûte, j’observe, je réussis, j’aime mais aussi j’échoue, je me trompe et je me blesse. Ces expérimentations sont rythmées par différentes émotions dont je ne suis pas toujours maître. En revanche j’ai le pouvoir de les orienter voire de les modifier car j’ai en ma possession une arme redoutable : le choix. Cependant, qu’en est-il lorsque cette arme précieuse est mise à rude épreuve du jour au lendemain ? Qu’en est-il lorsque l’on réduit notre champ de liberté ?

Voici une belle équation à mille inconnues qui n’a pas sa réponse dans les manuels scolaires. Sans avis de passage, celui qu’on nomme COVID19 s’est installé dans nos vies et va nous proposer de faire face à ces dilemmes. Simple virus certes, mais qui vient chambouler à lui seul les règles du jeu du monde entier et de nos libertés.

Aujourd’hui ma liberté est confinée

Le Larousse qualifie le confinement comme l’action d’enfermer. Ce terme qui n’était jusqu’alors une simple définition dans le dictionnaire est aujourd’hui un mot qui s’est imposé dans notre vocabulaire. D’une théorie abstraite, nous en avons depuis quelques jours la démonstration concrète. Masques, gants, désinfectant, distance et isolement, voilà ce que le COVID19 nous a réservé au menu pour le confinement.

Dis maman, comment fait-on pour vivre en confinement ? Dans un monde aseptisé, sans odeur et sans saveur où l’ennui, la méfiance et le contrôle se sont invités ? À quoi bon vaquer à ses occupations si le plaisir de sortir, de s’enlacer et de s’unir nous sont dispensés ? Tu as en effet oublié de me l’apprendre… Aujourd’hui c’est l’école de la vie qui s’en charge. J’apprends donc à me contenter d’un tour de pâté de maison. J’essaie d’apprécier les rassemblements virtuels. Je tente de me satisfaire de chaque petit plaisir que m’offre ma journée. Le contexte n’est pas simple, je n’y parviens pas toujours mais je suis bonne élève et j’apprends vite. Donc je patiente sagement et je fais confiance à l’avenir.

Face à cette crise, je mesure dorénavant l’importance de ma liberté sans limite des jours d’avant. Pourquoi faut-il prendre conscience de l’essence des choses qu’une fois qu’elles sont menacées… Mais finalement être libre c’est savoir identifier quand on est libre et reconnaître ce qui fait que l’on se sent libre. Aujourd’hui je suis capable de dire qu’il y a 3 semaines, je me sentais libre.

Coralie Lagrifa, 34 ans, Montreuilloise depuis 2011