Dans la guerre sans merci que se livrent les sandwicheries montreuilloises, difficile de faire le tri entre un jambon beurre famélique, un grec suintant ou encore un obscur sandwich au pain suédois à 6 euros pièce. Une fois bien installé dans le dernier métro de la ligne 9, l’angoisse monte à la simple idée de rentrer à la maison le ventre vide. Que manger ? Où trouver un établissement nocturne de restauration rapide de qualité ? Puis je m’autoriser à jouer le gastronome à cette heure avancée ? Chers lecteurs et lectrices, n’y allons pas par sept ni par quatre chemins. Souvenez-vous, on vous a toujours obligé à choisir : Beatles ou Stones ? Charden ou Stone ? Sharon ou Stone ? Je ne manquerai pas de faire monter la sauce samouraï à l’instar de la presse à scandale anglaise. Ce soir, ce sont deux écoles, deux continents, deux visions de la vie qui s’affrontent. Tel Rocky s’attaquant au théâtral Apollo dans le film du même nom (Rocky, pas Apollo 13) c’est un combat a priori déséquilibré que je vous propose. Je dirais même plus : un clash. Quel sandwich ramener à la casbah ? A ma droite, la valeur sûre, la référence du grand nord montreuillois : le « Buns » du Chicken Boissière. A ma gauche, l’outsider, Le Rastignac du sandwich, la merveille des Indes, le sandwich « Naan fromage au poulet Tikka » du restaurant Le Kashmir. Qui vaincra ? Qui finira au tapis ? Y aura-il un vainqueur ? Le suspens est insoutenable.

Uptown VS Downtown

Chicken Boissière

Chicken Boissière

Le sandwich champion du Chicken Boissière, situé non loin de l’arlésienne station « Montreuil hôpital », est une institution à lui tout seul. C’est une valeur sûre. Ouvert jusqu’à minuit en semaine et plus tard le weekend , le restaurant est un phare qui guide nos estomacs lors des nuits sans lune. Le « buns », sorte de miche de pain ronde et toastée, tient son nom du général américain du même nom qui, lors d’une énième bataille contre les sioux, s’est malencontreusement assis sur des petits pains en train de cuire sur une grille. Dans le nord de la ville, le sandwich tient son monde en respect. Pour vous donner une idée, il a un peu la même notoriété que la famille Stark à Winterfell, c’est vous dire la puissance du truc. Il est quasiment intouchable. Bref, il règne en maître dans le grand nord montreuillois. Lascars du coin, rescapés d’une soirée bien arrosée, famille au complet qui sort un soir d’été à la fraîche, tout le monde s’y retrouve. Indétrônable, on se demanderait qui tenterait de le défier dans le Sandwich Game.

Carte du restaurant Le kashmir

Carte du restaurant Le Kashmir

L’effronté s’appelle Le Kashmir. Situé à moins de deux pas de la mairie, le restaurant a osé défier le roi du nord avec son sandwich « Naan fromage au poulet ». Cet outsider venu du plus profond de l’Inde mystique sait attiser notre curiosité. Jeune, frais, punchy, attachant, tels sont les premiers mots qui me viennent à la simple évocation de ce sandwich. Enroulé dans son papier d’argent, c’est l’Inde des maharadjas, du Taj Mahal, des films romantiques qui durent trois heures à portée de main. Plus bling bling avec son néon rouge, plus branché car à la sortie du métro, son emplacement idéal agace autant qu’il fascine. Ça ne paye pas de mine mais c’est quand même génial de voir la façon dont cuisent les naans dans ce four traditionnel en forme de cylindre. Ce sandwich sait séduire son public et est, au final, très dans l’air du temps en mettant en scène les secrets de sa fabrication.

Les stats

Les deux sandwichs ont beaucoup en commun. Le prix, 5 euros, reste en France le moyen le moins cher de ne plus être tiraillé par la faim. L’emballage est semblable. Barquette en polystyrène jaune foncé pour les deux. Deux feuilles d’argent les emballent chacun et leur donne ce côté bling bling que ne renierait pas un footballeur qui vient de signer son premier contrat pro.

Sandwich "Naan poulet Tikka"

Sandwich « Naan poulet Tikka »

Les deux sont accompagnés de frites industrielles médiocres, ne servant au final que de faire valoir aux sandwichs. Il est toujours possible de tuner son sandwich : salade, tomates ou encore oignons. Le comble du luxe, c’est quand même de choisir sa sauce.

"Buns" du Chicken Boissière

« Buns » du Chicken Boissière

Au final, nos deux boxeurs sont assez similaires. Ceux qui espéraient un K.O magnifique dès la première reprise devront prendre leur mal en patience. La victoire se jouera aux points et bien malin celui qui saura deviner l’issu du combat. Première droite, le Chicken Boissière a un choix de viande assez impressionnant et une collection quasi complète de tout ce qui peut exister comme sauce d’accompagnement. Dans les cordes, Le Kashmir réplique par son idée géniale d’utiliser un naan fromage à la place du pain conventionnel et par l’onctuosité surprenante et jubilatoire ressentie lors de la première bouchée. Le « buns » contre-attaque par le croquant de son pain toasté. Le « Naan fromage » envoie son  argument uppercutant sur son pseudo coté altermondialiste. Fin du dernier round, les deux boxeurs tombent dans les bras l’un de l’autre. L’arbitre attend la décision des juges.

And the winner is…
Dans notre société cruelle, individualiste, instrumentalisée par des obscures entreprises multinationales elles même influencées par le lobby de sociétés secrètes, je pose la question suivante : Doit-on toujours prendre parti ? On dit souvent que choisir c’est renoncer. Et bien non !!! Non, messieurs les censeurs, les bien-pensants, les donneurs de leçon. Pourquoi devrais-je condamner à mort tel César au Colisée ? Je pense qu’il y a de la place pour tout le monde, pour tous les goûts, toutes les couleurs. Qui suis-je moi pour décider quel sandwich est mieux qu’un autre ? A Montreuil il y a de la place pour tout le monde.

Plus sérieusement, les deux sont excellents. Allez voir par vous-même.


Chicken Boissière : 101 Boulevard de la Boissière

Le Kashmir : 3 boulevard Vaillant Couturier