L’association Nouveau Souffle porte bien son nom. Après quelques minutes d’échange avec ses protagonistes, je respirais déjà mieux. L’enthousiasme et la détermination de ces jeunes gens à faire bouger les choses redonnent du baume au cœur entre deux tours des élections.

Non, naître dans une « cité » n’est pas une fatalité. Ils en sont un exemple. Comblés dans leur vie de famille et posés dans leurs jobs respectifs, ils ont créé cette association à l’origine pour réconcilier les jeunes du quartier Jean Moulin. Oumar, président de l’asso, Lachmi son trésorier et Mechi Mela un membre très actif ont accepté de répondre à mes quelques questions sur l’association.

On est là maintenant et on agit maintenant. Et ceux qui veulent prendre le train en marche sont les bienvenus ! Mechi Mela

Racontez-nous la genèse de Nouveau Souffle, comment tout a commencé ?

Nous sommes tous du même quartier Jean Moulin et nous avons pris conscience qu’il y avait un besoin sur le quartier. Nous avions un peu de temps et nous avons décidé de monter une asso qui nous ressemble. Rapidement le côté sportif est ressorti car les jeunes étaient intéressés par le foot et nous avons donc décidé de monter un club de futsal, pour s’inscrire à la fédé et participer aux compétitions. Au début nous avons monté une équipe masculine puis rapidement nous nous sommes dit qu’il fallait également une équipe féminine. On a dû faire face à quelques contraintes au niveau budget et au niveau des créneaux, mais nous étions motivés par notre ambition. En plus il n’y avait pas de club de foot dans le quartier alors que nous avons un gymnase à côté.

Finalement on a réussi à obtenir un créneau au gymnase. Mais bon pour jouer le championnat, la coupe du 93, la coupe de Paris et la coupe de France, un seul entrainement n’est pas suffisant. Malgré tout on a fait de bons résultats, on est montés dans le championnat, on est allés en quart de finale à la coupe du 93 et de Paris. A partir de là les gens ont commencé à se poser des questions et on a attiré l’attention.

Voilà pour la première partie de l’histoire de l’association Nouveau Souffle.

Et aujourd’hui quels sont vos challenges ?

Toujours le même objectif : viser la montée. On est déjà en excellence et maintenant nous visons le PH (ndlr : promotion d’honneur). Le truc c’est que ce sera compliqué avec les structures mises à notre disposition. Par exemple au gymnase Jean Moulin on n’a pas de tribunes donc c’est compliqué pour les supporters. Les infrastructures de la ville ne sont pas à la hauteur de nos ambitions. Lorsque nous faisons la coupe de France, on se déplace et on représente notre ville. Nous avons besoin d’être soutenus.

Vous avez des soutiens en ce moment ?

Non, pour l’instant on se débrouille surtout par nous-même. On est aussi soutenus par la ville mais pas plus qu’une autre association. D’ailleurs on invite la mairie à venir aux matchs et prendre conscience de l’engouement qu’il y a autour des équipes. Après on n’est pas affiliés à un parti politique, mais on arrive à discuter avec eux. On a fait des demandes et maintenant on essaie d’être patients.

Cette année nous avons créé une section féminine, et on a réussi à avoir un créneau pour les filles. Nous avons aujourd’hui deux créneaux pour les filles et un pour les garçons. Pour l’instant on se contente un peu des restes, ces créneaux ne sont pas toujours optimaux.

Mais bon on n’est pas dans la bagarre, on fait nos preuves. On voudrait être jugés sur ce qu’on fait, et on veut qu’ils comprennent l’intérêt qu’il y a sur ce quartier-là et qu’il y a des asso qui se bougent. On parle souvent des problèmes dans les quartiers mais il faut aussi mettre en valeur les initiatives de gens bienveillants qui veulent faire bouger les choses. C’est ça qui nous importe vraiment. D’ailleurs dans l’équipe il y a des joueurs des autres quartiers. C’est vraiment un club de foot ouvert à tous. Au départ c’est une asso de quartier et nous aimons le dire mais aujourd’hui nous travaillons avec des associations d’autres quartiers.

 

Comment fonctionne l’association ?

Dans l’association on cherche à travailler ensemble, à mettre en commun nos compétences. Nous sommes tous bénévoles et nous le faisons en plus de notre taf. Nous n’avons pas de structure pour l’instant. C’est ce que nous demandons aujourd’hui. Avoir des bureaux nous permettrait de mieux accueillir les licenciés et de nous développer avec des activités pour les enfants, dans le périscolaire. Aujourd’hui nous n’avons pas les moyens d’accueillir les parents. Ce n’est pas faute d’avoir sollicité les pouvoirs publics mais nous attendons pour l’instant. Aujourd’hui nous comptons une soixantaine de licenciés et quand nous faisons entrer un nouveau membre dans l’asso, il faut qu’il adhère à ses valeurs et pas seulement au côté sportif.

 

Quelles sont les valeurs de Nouveau Souffle ?

Au départ nous voulions avant tout réunir les différentes zones du quartier Jean Moulin, alors qu’il y avait des tensions. La création de l’association fait notamment suite au décès d’un jeune. C’était important pour nous que les choses bougent.

Sinon les valeurs sont l’unité, que l’on se soutienne, que l’on puisse valoriser ce qui se fait de bien dans le quartier, et trouver des solutions quand il y a des problèmes avec certains jeunes, notamment avec la police. Nous savons que ces jeunes sont là parce qu’ils sont un peu livrés à eux-mêmes. Ils ne vont plus à l’école, il n’y a plus de service jeunesse, plus de centres sociaux pour eux. Ils n’ont pas d’emploi. On leur fait comprendre qu’il faut se bagarrer. Nous-même lorsqu’on était plus jeunes on s’est bagarrés. Maintenant on a fondé des familles, on travaille. Mais quand on était jeunes ce n’était pas facile. On avait une étiquette de banlieusard même si nous étions proches Paris.

On incite les jeunes à ne pas rester dans le carré, dans la cité, qu’ils voyagent, qu’ils sortent un petit peu. On propose aussi des actions concrètes comme les matinales de l’emploi, pour favoriser la réinsertion professionnelle. On a accompagné les jeunes dans la rédaction des CV et lettres de motivation. On a prêté des clefs USB et même des vestes de costumes pour les entretiens. On s’est aussi associés avec la mission locale afin qu’ils puissent leur trouver des stages et pour donner une suite à cette initiative.

Pendant ces matinales on échangeait également sur nos expériences, les études qu’on avait faites, où on s’était arrêtés. Comment on avait fait pour rebondir, qui nous avait tendu la main, etc…Fallait qu’ils s’en rendent compte. Parfois il y a des opportunités qui sont là, comme les matinales de l’emploi, et il faut que les jeunes s’en saisissent, qu’il ne se disent pas que ce sont encore des actions en l’air et qu’ils baissent les bras.

En cette période électorale, êtes-vous optimistes concernant l’avenir de votre quartier ?

Nous ne pensons pas que ça va se jouer pendant les présidentielles mais en tous cas nous on ira voter. Chacun mettra son bulletin dans l’urne et fera ce qu’il a à faire. Notre action est vraiment locale, et c’est plutôt la municipalité, le département et la région que nous saisissons. Les présidentielles c’est loin pour les jeunes. Ils sont stigmatisés, on ne leur donne pas forcément les moyens de s’exprimer. Nous avec l’asso on cherche à ce que chacun puisse donner ses idées, à l’échelle locale. On prend les jeunes en charge.

Après le président qui viendra, s’il veut mettre des millions vers l’emploi, la formation, les nouvelles technologies, ce sera très bien. On espère ensuite que ça aura un impact local. Il faut faire venir les entreprises dans nos quartiers mais surtout former les jeunes pour y travailler. Il ne faut pas que les jeunes deviennent spectateurs de toutes ces transformations et qu’ils soient obligés de quitter la ville à cause des loyers trop chers. Par exemple dans l’association une partie des gens ne vivent plus ici car il n’y avait plus d’accessibilité du logement social et pas de possibilité non plus d’accéder à la propriété.

Il y a aussi les législatives très bientôt. Tout ça nous intéresse, on est curieux, on s’informe. Après on ne va pas dire qu’on soutient tel ou tel candidat. On souhaite qu’il s’intéresse d’abord à ce que l’on fait et ensuite on verra. On va pas aller vers eux pour les dragouiller, ça n’a aucun intérêt, ça ne fait pas avancer les choses. Plein d’associations montreuilloises ont marché au clientélisme et n’ont pas duré. Nous on peut se regarder dans une glace et on est toujours là.

L’asso fonctionne bien car nous avions le réseau et les compétences, d’ailleurs cela crée des jalousies. Certains se demandent comment on est allés aussi vite. On reste simplement ouverts et lucides.

L’association organise des événements, nous avons parlé des matinales de l’emploi, pouvez-vous me parler du Street Soccer ?

C’est un événement que l’on avait monté sans le cadre de l’euro 2016. On s’était renseignés et rien ne se passait à Montreuil. En plus certaines retransmissions étaient annulées à cause du plan Vigipirate.

Donc on est partis sur l’idée du street soccer sur la place de la mairie, où il n’y avait d’ailleurs jamais eu d’événement organisé par une association de quartier. On a associé d’autres associations à l’événements. Chacun avait l’habitude de travailler son côté et on s’est dit pourquoi pas travailler ensemble. Tout s’est très bien passé. Beaucoup nous attendaient au tournant, mais nous avions travaillé en amont avec des référents dans tous les quartiers et cela nous a permis d’éviter tout débordement. Nous n’avions pas autant de budget que prévu mais on s’est débrouillés, on a négocié. On avait une date et un emplacement et on n’a pas lâché car on voulait être à la hauteur.

Nous avons installé un terrain de foot, une scène, des jeux pour les enfants, des quads, neuf stands associatifs, une buvette, des poneys, et tout s’est très bien passé car chacun était bien à son poste. Comme toujours nous avons mutualisé nos compétences ; c’est notre grande force.

D’ailleurs on nous demande de refaire une édition. Tout à l’heure tu nous parlais d’élections. Ça divise au sein de l’association ; certains pensent que ce n’est pas le bon moment car on pourrait être récupérés politiquement. Mais on décidera de manière démocratique, comme on le fait toujours dans l’asso.

Après il y a d’autres possibilités de financement, avec le mécénat privé. C’est quelque chose qu’on est en train de travailler.

Et puis nous avons d’autres projets. Il y a deux ans, à la sortie d’un match et alors que nous célébrions notre victoire, on s’est dit que ce serait bien de mettre des jeux dans le quartier pour les enfants qui n’ont pas la chance de partir en vacances. Dans le quartier les aires de jeux sont laissées à l’abandon. L’ophm s’est déplacé mais depuis on attend toujours.

nouveau souffle montreuil

A partir de ce constat, on s’est dit qu’on allait faire une petite caisse où chacun pourrait mettre de l’argent, indépendamment de l’asso. Grâce à cela on a pu installer une balançoire, des trempolines, des tables de ping pong, et des jeux d’eau. C’était à l’été 2015. Ça avait d’ailleurs posé certains problèmes notamment à cause de la sécurité. Mais bon, la balançoire est toujours là. On a cimenté la balançoire en disant qu’on l’enlèverait quand de nouveaux jeux seraient là.

Cet été nous continuons ce projet initié en 2015. L’idée est d’occuper l’espace deux fois par semaine et une fois par semaine faire sortir les enfants du quartier pour aller jouer dans d’autres quartiers de Montreuil, voire même à l’extérieur de la ville (bases de loisirs). On va associer deux jeunes déscolarisés du quartier, leur financer leur BAFA pour qu’ils puissent encadrer ce projet cet été. Nous avons établi un partenariat avec Gongle, association qui a les habilitations et qui pourra valider le BAFA. On montre encore une fois que nous sommes force de proposition et que nous n’attendons pas que la mairie fasse le job pour nous. Pour l’instant nous avons déposé un dossier dans le cadre du programme « Ville Vie et Vacances » (ndlr : programme qui a pour objectif de permettre aux jeunes âgés de 11 à 18 ans et résidant principalement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville d’accéder à des activités culturelles, civiques, sportives et de loisirs et de bénéficier d’une prise en charge éducative pendant les vacances scolaires). Nous attendons la réponse et nous devrons certainement réajuster notre budget. L’argent reste le nerf de la guerre. En tant que petite asso, nous n’avons pas de fond de roulement et pas forcément les moyens d’en obtenir. C’est un cercle vicieux.

 

Vous accordez beaucoup de votre temps à l’association, comment vous organisez-vous ?

En fait ça fait partie de notre vie de tous les jours, c’est naturel pour nous, comme s’occuper de nos enfants. C’est du temps perso mais c’est surtout du plaisir.

Qu’avez-vous en tête comme autre projet de développement de l’association ?

Amine (ndlr : chargé de communication de l’association) a un projet en tête pour l’année prochaine autour des applications, des nouvelles technologies. Mais là encore il faut des structures pour accueillir tout ce beau monde. Après on a plutôt de bonnes relations avec l’antenne de quartier donc pourquoi pas envisager un partenariat. Il faut aussi trouver d’autres partenaires pour accueillir nos jeunes une fois qu’on leur aura donné quelques notions. Il ne faut pas que ça s’arrête d’un coup.

Pour finir cet interview, que souhaitez-vous pour Nouveau Souffle ?

Mechi Mela :  j’espère qu’à Montreuil on arrivera à travailler tous ensemble, en tous cas les associations qui veulent œuvrer pour la ville, dans le bon sens ; éviter les petites guéguerres d’asso et ne pas jouer le jeu des politiques. On est là pour que ça bouge, que les gens se sentent bien dans cette ville et qu’ils se rendent compte qu’il y a des gens qui sont là, qui font des choses, et pas justes des branquignoles qui attendent que le temps passe. On est là maintenant et on agit maintenant. Et ceux qui veulent prendre le train en marche sont les bienvenus !

Lachmi : Que l’asso existe encore dans 20 ans, que ce soient des nouveaux jeunes qui s’en occupent, et limite qu’ils nous aient oubliés. Pour moi ce serait une réussite si l’asso existait encore dans 20 ans, et qu’il se passe des choses dans le quartier.

Oumar : Surtout que les jeunes continuent l’asso mais qu’ils n’oublient pas comment l’asso à commencer : par la réunification du quartier. Qu’ils mènent des actions eux aussi et surtout que l’asso s’élargisse sur Montreuil. Plus il y aura de monde, plus il y aura de l’action et des personnes épanouies.


Nous souhaitons une longue vie à Nouveau Souffle et nous espérons qu’ils trouveront très bientôt des partenaires financiers pour développer leurs projets. A bon entendeur…

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Prochain rdv sportif :

Dimanche 14 mai à 14h45 (filles)