La rue du capitaine Dreyfus a beaucoup changé ces dernières années. De nombreux commerces et bar- restaurants se sont ouverts. On y trouve toute sorte de commerces, des bijoux, du chocolat et même une boutique de skateboard. C’est même plus qu’une simple boutique de planche à roulettes, PHOENIX propose également des bijoux, des T-shirts tendances, des goodies rigolos ou bien encore des livres de street art.

Michel était facteur depuis plus de 20 ans. Il connaissait le quartier par cœur, les petites rues de travers et l’emplacement de toutes les boites aux lettres, mêmes les plus cachées. Tous les matins, il était le premier arrivé à la Poste de la rue Rouget de Lisle. Il lui arrivait parfois de prendre un café dans le petit bar en face avant de prendre son service. Il y croisait les habitués, les silencieux penchés sur le Parisien ou les plus bavards qui parlaient de complots gouvernementaux.

Michel aimait distribuer le courrier dans la rue piétonne. En journée, l’ambiance était plutôt calme en semaine. La rue se remplissait dès la sortie des écoles et encore plus à l’heure où les gens quittaient leur travail. Le facteur connaissait toutes les boutiques, le nom des gérants et des employés. Lorsqu’il n’était pas trop en retard, il appréciait de pouvoir rentrer dans chacune d’elles pour échanger quelques mots. Bien souvent, Michel venait déposer le courrier chez Émilie à la boutique PHOENIX, d’où s’échappaient souvent quelques notes de musique hip hop. Il échangeait quelques bons mots avec elle avant de reprendre sa tournée.

Un matin, il surprit une discussion alors qu’il prenait son café. Il était question de disparitions inquiétantes dans la ville. Effectivement, il lut un article dans le journal quelques jours après. L’article parlait de disparitions d’adolescents, des disparitions inexpliquées et étranges, sur un rayon de quelques kilomètres autour de la ville.

Le lendemain, un autre article faisait la lumière sur le profil des disparus. C’étaient des adolescents de 12 à 17 ans, garçons et filles mais avec une majorité de garçons. Ils étaient tous scolarisés dans la ville. Dans le bar en face de la Poste, un drôle de personnage que tout le monde appelait Bobby parlait de « possible » de « probable », voir « quasi certaine » implication d’êtres d’origine extra-terrestre dans ces enlèvements. Mais cela, Michel n’y croyait pas du tout.

Les jours suivants, en faisant sa tournée journalière, il vit sur les panneaux d’affichages des avis de recherche avec la photo des adolescents. Une certaine psychose envahit la ville. Le petit square à l’entrée du parc Montreau commença à se vider jour après jour. Désormais il n’y avait plus personne qui se promenait dans les parcs et les jardins. La place de la Mairie était quasi déserte et on observait une diminution des ventes de glace malgré les beaux jours qui arrivaient.

Michel décida d’enquêter par lui même. Comme il connaissait le nom des adolescents disparus, il put discrètement recueillir des informations afin d’essayer de trouver des points communs. Il passait ses soirées à réfléchir. Et un jour, un détail lui sauta aux yeux. Il n’arrivait pas à croire ce qu’il pensait avoir découvert. Mais il décida d’agir avant qu’il ne soit trop tard.

Le lendemain matin, Michel se leva tôt malgré une nuit extrêmement agitée. Il se rendit à son travail comme d’habitude. Il ne s’arrêta pas prendre un café et commença directement sa tournée habituelle.

Vers 10h, il s’arrêta s’asseoir quelques instants sur la fontaine dans la rue piétonne. Le ciel était bleu et la rue plutôt calme ce matin là. Il prit son courage à deux mains. Il s’était arrangé pour finir son service dans le quartier et il ne restait plus qu’à distribuer son courrier jusqu’à l’Annexe des Tatas Flingueuses au bout de la rue.

Il passa déposer son courrier à la boutique immobilière, la chocolaterie, puis ce fut au tour des restaurants. Puis il entra dans la boutique.

« Bonjour Michel, ça va ce matin? »

« Bonjour Émilie, oui ça va plutôt pas mal. Dis moi tu fais quoi? C’est quoi ce remue ménage? »

« J’ai reçu un nouvel arrivage, c’est génial, j’ai tout un tas de nouvelles fringues à mettre en rayon et j’ai reçu également des nouveaux bijoux réalisés à la main ….. »

Un bruit se fit entendre un peu en bas des escaliers descendant à la cave. Michel fronça les sourcils.

« C’est quoi ce bruit en bas? On dirait que quelqu’un tape ? »

Émilie parut gêné et parvint difficilement à camoufler son malaise. Mais elle se reprit et répondit.

« Non Non, j’ai un problème avec la tuyauterie des toilettes, ça fait un bruit épouvantable.. »

Émilie monta rapidement les quelques marches vers l’estrade afin d’allumer son enceinte portable. Elle utilisa son téléphone portable pour lancer une playlist hip hop et mit le volume suffisamment fort pour couvrir le « bruit de tuyautrie ».

« Bon, j’ai du boulot là, je dois refaire ma vitrine.  Bonne journée Michel »

Michel sortit et fit quelques mètres en direction de la Parole Errante. On le vit sortir son téléphone. Il faisait des grands gestes tout en parlant. Quelques minutes plus tard on entendit des sirènes de police qui semblaient se rapprocher à vive allure.

Le lendemain matin, dans le café en face la poste, Michel regardait avec attention le journal tout en buvant son café. En première page, on pouvait lire en gros caractère: « Mystérieuses disparitions : elle détroussait des skaters et les séquestraient afin de confectionner des bijoux ». Puis en dessous : « la gérante psychopathe profitait du passage des adolescents dans sa boutique pour les voler et les séquestrer à la cave. Grace à un coup de fil d’un héros anonyme, tous les adolescents ont pu être retrouvés sains et saufs ».

Michel reposa le journal sur le comptoir. Il allait sortir pour débuter sa tournée quand le serveur l’interpella :

« Bonne journée Michel !!! Tu as entendu ce qui s’est passé, c’est dingue, heureusement qu’il y a encore des héros de nos jours »

« Oui, je viens de lire l’article. C’est dommage que l’on ne sache pas qui c’est. Bonne journée et peut-être à demain ».

Fin

NDLR: Cette nouvelle est un fiction et sa publication a été validée avec humour par Emilio, gérante de la boutique « Phoenix ». Émilie n’est absolument pas une psychopathe et nous vous recommandons fortement d’aller faire un tour dans sa boutique.