Il n’y a qu’à écouter la télé ou regarder la radio pour se rendre compte de la complexité de la notion de territoire dans la géopolitique actuelle. Drame des migrants, folie d’un possible président américain voulant construire un mur à la frontière mexicaine ou encore refonte de la carte des régions, bien malin celui ou celle qui pourra faire le tour de la frontière sans, au final, revenir au point de départ.

Qu’en est-il de la ville de Montreuil ? Elle est, certes, enTOURée mais on y trouve aussi des quartiers pavillonnaires. Comme toutes les grandes villes elle est divisée en quartiers. On distingue même le « bas Montreuil » et le « haut Montreuil ». Je me suis rendu à différents points de contacts, de frictions fictives ; la frontière administrative symbolisée par le fameux panneau « Montreuil » pour voir ceux qui (s’) y passent.

Dimanche 1er mai,

     

Frontière / Vincennes

Frontière / Vincennes

En venant de Vincennes, la voie semble royale. La route est droite jusqu’à la mairie de Montreuil. L’architecture de la façade de certains immeubles préfigure des appartements d’un certain standing, c’est ce qui saute aux yeux. Comment lutter contre sa voisine au passé si prestigieux ? Château en pierre contre château d’eau. Aussi bizarre que cela puisse paraître c’est bien Montreuil qui est officiellement « sous bois » et non Vincennes. Combien sommes-nous à (re)commencer nos bonnes résolutions en faisant notre footing dans ce cadre plutôt agréable ? Pour un montreuillois, qui dit « Vincennes »,  dit « bus 115 ».

Frontière / Noisy le Grand

Frontière / Noisy le Grand

En arrivant de Noisy le Sec, la vallée de la Boissière s’ouvre à vous. Le boulevard joue un rôle de frontière naturelle. Il dessert le parc de Montreau et son « Parcabout » pour les enfants, le « Chicken Boissière » et son buns sauce samouraï d’anthologie et « l’interco » qui a vu naître tellement de gadjos et de gadjis. Parfois considéré comme un deuxième centre-ville, on trouve à la Boissière des commerces, une pharmacie et même une auto-école. Le prolongement de la ligne 11 est presque devenu une légende urbaine. En descendant dans la vallée, vous pourrez prendre le bus 129 souvent plein aux heures de pointes. Cependant c’est un refuge pour les gens qui souhaitent acheter un appartement car « à Paris c’est pas possible ». La limite, c’est « pas plus de 20 min de marche pour rentrer avec le dernier métro ». La limite c’est la Boissière. 

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Frontière / Rosny sous Bois

Rosny, lui, est toujours sous-bois. Les habitants de la Boissière ont une jolie vue sur la vallée Domus et ses couleurs qui changent en journée. En bas de la vallée coule l’A86, fleuve circulaire au débit varié. Des voitures pressées s’engouffrent dans la petite artère, sous l’œil de Bison Futé. Direction le grand centre commercial ou le moyen le plus rapide de contourner Paris. Montreuil est entre deux periph’. C’est avec une certaine nostalgie que l’on se souviendra que l’A86 (et l’A3) nous emmène à l’aéroport, le cœur plein d’impatience. A l’inverse, la tristesse d’un panneau au bleu quelconque nous rappellera l’existence des sorties « Montreuil la Boissière » ou encore « Montreuil Centre » pendant que l’on répondra furtivement aux quelques questions posées par un chauffeur de taxi qui « n’y peut rien si les vacances sont finies ».

Frontière / Paris

Frontière / Paris

Montreuil n’est qu’à un saut de puce de Paris. C’est tout aussi le fouillis au pied du centre commercial. On pourra acheter pour 3 euros un câble qu’Apple tentera de vous vendre pour 15. Montreuil, grande sœur de la banlieue rouge et son siège de la CGT. Quasiment historique comme frontière. La rue de Paris s’offre à vous. Beaucoup de passage, c’est toujours un peu la cohue. Au loin, la Croix de Chavaux. Entre les deux, un bizarre no man’s land. Vu du périphérique, le carré rouge de l’hôtel Ibis brille comme un phare. Je me demande encore si, un jour, quelqu’un a choisi, à la lecture des lettres formant les mots « terrasse panoramique », de déjeuner avec une vue imprenable sur la porte de Montreuil.

Frontière / Fontenay sous Bois

Frontière / Fontenay sous Bois

     

Fontenay « sous-bois » tentera de justifier son nom en rappelant que son bois à lui est celui de Vincennes (qui appartient à Paris rappelons-le). Au carrefour des parapluies (où la photo a été prise), on se trouve entre les « Rigollots » et Croix de Chavaux. Ces deux quartiers se ressemblent par leur dynamisme. Malgré tout, il n’y a pas photo en ce qui concerne la vie culturelle et Croix de Chav’ l’emporte haut la main (concerts, expos, restaurant, etc). A la limite entre Fontenay et Montreuil on trouve un salon de tatouage, un salon de coiffure et un restaurant qui fait aussi brocante, ce qui donne un côté étrange à ce lieu. Une longue route droite nous mène quasiment jusqu’à la mairie et son nouveau centre commercial. C’est assez rare de se sentir à la fois loin de tout alors qu’en réalité nous ne sommes qu’à un quart d’heure de marche de Croix de Chavaux et du château de Vincennes.

Les frontières de Montreuil présentent des paysages différents et symbolisent le dynamisme du quartier auquel elles appartiennent. De chaque côté des panneaux routiers, la vie n’est « ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre ». Les lignes de bus se moquent bien des limites de la ville. Combien de fois avons-nous traversé ces frontières invisibles, pour faire nos courses, pour travailler ou pour aller simplement au restaurant ? « Home is where the heart is »*, comme disent les anglo saxons.


* La maison est là où se trouve le cœur