Sur le chemin qui le ramenait chez lui, il essaya de trouver une explication à ce qui s’était passé. C’était à n’y rien comprendre.  Quel sens y avait-il à tout ça ? S’il y en avait un, il lui échappait.

Il sentit une main posée sur son épaule qui le secouait doucement. Une voix féminine lui parlait : « Monsieur, la séance est terminée, le cinéma va fermer ». Tiré de son sommeil, ébloui par la lumière, il cligna des yeux et reconnut l’ouvreuse auprès de laquelle il avait acheté sa place deux heures auparavant.

Dans un même mouvement, il ramassa sa veste et se leva, puis il quitta la salle désertée par les autres spectateurs. Il se dirigea comme par automatisme vers la sortie. Un sentiment d’étrangeté l’habitait. Il poussa la porte du cinéma, l’air frais de la nuit le saisit. Il remonta son col, releva les yeux et eut un mouvement de recul. Il fit un tour sur lui-même, l’ouvreuse fermait la porte. Elle le salua et se dirigea vers l’entrée du métro toute proche. Il esquissa un geste dans sa direction puis se ravisa. Tout cela était invraisemblable.

A cette heure, le magasin de bricolage qui jouxtait le cinéma était fermé. Il emprunta l’escalator et sortit du centre commercial. Rue de Paris, le ballet des voitures était nettement moins dense que dans la journée. Il voulait en avoir le cœur net. Aussi, au lieu d’emprunter l’avenue qui menait aux portes de la capitale, il prit la direction de la mairie. Il passa devant le parc de la bibliothèque et s’arrêta sur le parvis pour observer la place. Une haute et longue palissade entourait un chantier. Des affiches annonçaient l’arrivée prochaine du cinéma dans les fauteuils duquel il s’était installé quelques heures plus tôt.  Que se passait-il ?

Il sortit son téléphone, rien n’avait changé : même jour, même mois, même année. Il était maintenant tout à fait éveillé, pourtant la réalité était inimaginable. Il se décida à rentrer chez lui. Sur le chemin, il ne pût s’empêcher de s’arrêter pour observer devantures, affiches… Tout attirait son regard. Il était à l’affût d’une autre bizarrerie quelle qu’elle soit, mais rien.

Arrivé à son domicile, tout le monde dormait. « C’est peut être mieux ainsi » se dit-il en refermant avec précaution la porte d’entrée. Qu’aurait-il bien put raconter ? Je suis allé au cinéma qui n’existe pas encore. Qui le croirait ? Il se glissa dans son lit, décidé à dormir et oublier cette expérience étrange. Peut-être que tout redeviendrait normal le lendemain. Ce serait un mirage en quelque sorte, une parenthèse surnaturelle, une faille temporelle…

Les minutes s’étaient transformées en heures et rien à faire, il ne trouvait pas le sommeil. Il se releva, alluma l’ordinateur et tapa cinéma Montreuil dans le moteur de recherche. Il parcourut divers articles relatant les travaux, annonçant l’ouverture prochaine du nouveau cinéma place de la mairie en lieu et place de celui de Croix de Chavaux… Tout cela semblait absurde. Il n’avait tout de même pas rêvé sa première montée des marches tapissées de rouge, la lune gigantesque qui surplombait le hall d’entrée, le bar où il appréciait siroter un verre en attendant que le numéro de la salle soit accroché, indiquant aux spectateurs qu’ils pouvaient accéder à la salle…

Il finit par se recoucher et dormit d’un sommeil agité. Alors qu’il buvait un café rendu plus que nécessaire en raison de son manque de sommeil, sa femme l’interrogea sur le film de la veille. Il n’avait pas grand-chose à raconter, il ne l’avait pas réellement vu. Après une réponse succincte, la conversation dériva sur le nouveau cinéma qui ouvrirait ses portes dans quelques mois. Perturbé, il  coupa court et partit un peu précipitamment au travail.

La journée se déroula aussi normalement que possible. Les événements de la veille lui revenaient sans cesse à l’esprit. Le monde entier, excepté lui, était-il revenu en arrière ? Ou alors, avait-il, lui seul, fait un bond dans le futur avant de revenir au présent. Il était déboussolé. La situation était surréaliste. Il aurait jugé folle toute personne qui lui aurait raconté quelque chose d’aussi abracadabrant en disant l’avoir vécu. Mieux valait se taire.

Ne pouvant se résoudre à ne rien faire, il décida de retourner au cinéma puisque c’était là que tout avait commencé. L’ouvreuse était la même que la veille, il prit une place pour le même film, à la même heure. Il la vit hausser les sourcils avec un air interrogatif quand il demanda sa place. Visiblement, elle le reconnaissait. Il fit comme si de rien n’était.

Dans la salle, il choisit la même place que la veille. Le noir se fit bientôt. Au moment où le film débuta, il lui vint à l’esprit que ça ne lui arrivait jamais de s’assoupir au cinéma, jamais sauf la veille. Il bailla, il manquait vraiment de sommeil…

Il sentit une main posée sur son épaule qui le secouait doucement. Une voix féminine lui parlait : « Monsieur, la séance est terminée, le cinéma va fermer ». Tiré de son sommeil, ébloui par la lumière, il cligna des yeux et reconnut l’ouvreuse auprès de laquelle il avait acheté sa place deux heures auparavant.

Il jeta un œil sur sa montre, tout autant pour vérifier l’heure que la date. Il se leva un peu précipitamment, pressé de sortir pour constater dans quel lieu il se trouvait désormais. La salle lui semblait plus récente que celle dans laquelle il s’était installé un peu plus tôt mais il avait besoin d’être sûr.

En sortant, il retrouva les tapis rouges du nouveau Méliès. A cette heure tardive, le bar était fermé, ainsi que l’entrée du rez-de-chaussée. La sortie s’effectuait par la terrasse. Il emprunta les escaliers en béton et poussa la lourde porte métallique qui le fit déboucher dans la rue faisant office de nouveau centre commercial. L’air était frais, il releva son col et pris la direction des portes de la capitale, un peu plus éloignées désormais que du temps de l’ancien Méliès.

Fatigué, il pressa le pas, toujours cogitant. Cela n’avait rien de plausible, et pourtant… Un lieu portant le nom d’un homme dont le premier métier était l’illusion réservait nécessairement quelques surprises.