“Toi , je te verrais bien en Marianne, enchaînée sur la grille de l’école”.

C’est ainsi, lors d’une réunion de la FCPE où je participais avec elle, que j’ai croisé le regard bleu pénétrant de Tina Merandon.  Tina est photographe, elle vit à Montreuil, et depuis des années travaille sur des thématiques qui s’interpénètrent, la confrontation, la fuite, la sensation, les corps en mouvement,  les rapports de domination qu’ils soient politiques, sociaux ou intimes.

Tina regarde. Elle regarde profondément, intimement, intensément ce qu’elle photographie, sondant les failles les plus enfouies, les fêlures les plus cachées, nous renvoyant à nos propres failles, nos propres fêlures , nos propres peurs. Ses photos peuvent être souvent dérangeantes tant elles sont crues, tant elles sont proches de nous, Tina s’interroge mais nous questionne aussi.

Ses portraits sont toujours saisissants, révélant, peut être malgré lui, l’abîme intérieur du sujet, il suffit de feuilleter son magnifique livre paru en 2012, Vertigo ( le bien nommé) portraits  de femmes et hommes politiques pour en être convaincus.

Tina Merandon

François Hollande 2011

 

Tina Merandon

Manuel Valls 2011

 

Tina Merandon

Marine Lepen

Le pouvoir engendre une extrême solitude, car pour se hisser au sommet, il a fallu trahir, mentir, se compromettre, écarter rivaux mais aussi amis, l’oxygène y est rare et les camaraderies de pure forme. Et c’est aussi ce qui frappe dans le travail de Tina Merandon, la mutation de cette solitude à une époque où les divers instruments de communication harcèlent le politique  jusque dans ses derniers retranchements exacerbant finalement sa vulnérabilité.

Et de vulnérabilité , il est aussi question dans  sa futur exposition à l’école d’Arts Plastiques Paul Belmondo de Rosny sous Bois,  intitulée Force de Frappe, une création autour de la boxe, réunissant deux autres plasticiens Régis -R et Barbara Pellerin.  Avec “Goutte de sueurs”, Tina travaille encore une fois sur la confrontation, avec soi- même, l’acceptation de la discipline, l’intégration des règles et de stratégies de combat, la rapidité des coups donnés et l’esquive de ceux à recevoir.  La boxe c’est aussi pousser son corps aux frontières de ses propres limites et les surpasser au quotidien dans l’obsession et le culte de la performance.

Tina Merandon

Tina Merandon

 

Tina Merandon

Tina Merandon

 

Tina Merandon

Tina Merandon

Il est donc très troublant de remarquer que certains politiques raffolent de  la boxe, cela correspond à une culture politique de l’immédiateté et du choc. À la boxe on doit frapper l’adversaire et si possible le mettre K.O, l’homme politique s’entraîne à mettre  au tapis ce(ux) qui lui résiste. Le boxeur, comme le politique, est toujours une figure de la survie, même si il n’a plus rien à prouver.  Mais il n’y pas de fin heureuse, ni de retraite dans ce sport, seulement les ingrédients du drame humain, la pauvreté , la maladie (Cassius Clay), et quelquefois le retour à la violence de la rue (Mike Tyson, Carlos Mozon). La plupart des sobriquets des boxeurs renvoient à la jungle d’asphalte, Jacke Bronx Bull Lamotta, Hands of Stone Roberto Duran, The Hitman Tommy Hearns.

Pour conclure, si Tina Merandon n’a certes pas pratiqué la boxe comme Loïc Wacquant – sociologue français proche de Bourdieu qui écrivit un ouvrage saisissant sur cet univers « Corps et Âmes » (2000) – son travail photographique dégage la même force “d’immersion profonde par initiation”. On peut donc entendre le bruit des chaînes auxquelles pendent les sacs, celui mat des coups des gants contre les sacs, les crissements des chaussures sur le tapis du ring, le taf-taf des boxeurs qui sautent à la corde, le chuintement, l’essoufflement de ceux qui respirent, qui ahanent, et les gouttes de sueurs qui luisent sur les corps éreintés de fatigue. Mais la grande force de Tina Merandon est surtout de bien se garder de réduire la boxe à sa simple brutalité hors normes, sauvage, ultra codifiée. Au contraire, ses photos soulignent et magnifient la dimension chorégraphique de la boxe, sa force poignante, homoérotique : la sensualité de deux corps en guerre mais enlacés. Une exhibition de forces où les enjeux se révèlent éminemment politiques.


« Une goutte de sueur » Tina Merandon

Exposition du 11 mai au 31 mai 2016

École d’Arts Plastiques Paul Belmondo à Rosny-sous-Bois

Vernissage le 11 mai 2016 à 18h30

EXPOSITIONS À VENIR :

FRATRES- Tina Merandon

FRATRES- Tina Mérandon

Hong Kong festival  – “ Les Nus ”  au Comix Home Base
septembre et octobre 2016

Exposition à Paxos – Grèce
avec la galerie Chris Boicos
Juin 2016
34 photographies
Manifesto
Rencontres Photographiques de Toulouse
 » Les Chiens « 
16 septembre au 1er octobre 2016