(prologue)

Je plaide coupable : aujourd’hui je vais enchainer deux spectacles à Montreuil par seul souci de rentabilité. Ça fait de la marche et du temps de transport en moins et ça laisse le temps pour faire autre chose à un autre moment (voir un nouveau spectacle ou écrire cette chronique ?). Je mens. C’est aussi pour ne pas rester enfermé chez moi, à végéter devant Netflix, à réactualiser mon fil Twitter ou pire faire le ménage. Profitons donc de ce beau temps si rare en cette saison. C’est pourquoi je vais m’enfermer au Nouveau Théâtre de Montreuil et au Théâtre Municipal Berthelot pour deux spectacles qui ont pour point commun le mystère : Dark Circus par la Compagnie Stereoptik et Les Tables Tournantes par le T.O.C.

DARK CIRCUS (Stereoptik) au Nouveau Théâtre de Montreuil

Dark Circus par Stereoptik (© J.M. Besenval)

15h. C’est donc un mercredi après-midi que j’entre dans la salle Jean-Pierre Vernant du théâtre de la place Jean Jaurès. Parce que « Dark Circus » est un spectacle tous publics. Je brave mon aversion pour les groupes des centres de loisirs que j’évite normalement comme la peste. Que ne ferait-on pas par amour du spectacle vivant ?

(Vous vous demandez peut-être : « Mais quel métier fait-il donc pour ne pas être au travail un mercredi après-midi ? » Je vous laisse réfléchir le temps de cette chronique et ramasserai les copies à la fin de l’heure.)

L’histoire est simple : Le Dark Circus est aujourd’hui en ville : « Venez nombreux, devenez malheureux ! ». Ce n’est pas moi qui le dis mais le lugubre Monsieur Loyal. Au programme, une série de numéros qui se termineront tous mal : de la lanceuse de couteaux au lion récalcitrant en passant par le jongleur à la balle rouge. C’est PEF, le créateur du « Prince de Motordu », qui a imaginé ce conte. Et tous les moyens sont bons pour Romain Bermond et Jean-Baptiste Maillet pour nous raconter cette histoire poétique et magique : encre chinoise, surimpressions, marionnettes, dessin animé… avec en prime de la musique en direct. Le duo Stereoptik est sur scène, de part et d’autre de l’écran sur lequel sont projetées les images, et produit quasiment tout ce que nous voyons pendant le spectacle.

Un moment : Quand tu vois l’un des deux artistes peindre le chapiteau du cirque, le décor se constitue progressivement sous yeux ébahis et que tu te rends compte qu’on ne voit pas le pinceau à l’écran. Bim ! Tu redeviens un enfant.

« Dark Circus » est un de ces spectacles pour petits et grands dont on ressort émerveillé devant tant de magie. Une belle parenthèse enchantée.

Jusqu’au dimanche 17 février 2019 au Nouveau Théâtre de Montreuil (Salle Jean-Pierre Vernant)

(intermède)

16h. Le soleil dans les yeux, marcher quelques centaines de mètres jusqu’à l’emblématique Bistrot du Marché. Un peu cliché, vous en conviendrez, mais j’aime y revenir. Parce que c’est le premier endroit où je suis allé à Montreuil. Nostalgie, quand tu nous tiens. A cause d’une fille. Une Montreuilloise. Ça n’a pas duré bien longtemps mais… on se souvient toujours de sa première fois à Montreuil. Mais je m’éloigne de mon sujet, que m’arrive-t-il ?

LES TABLES TOURNANTES (Compagnie le T.O.C.) au Théâtre Municipal Berthelot

Les Tables Tournantes par le T.O.C. (mise en scène Mirabelle Rousseau) au Théâtre Berthelot

19h. On me demande souvent comment je choisis les pièces. C’est parfois le hasard, souvent un nom que je connais, rarement à l’aveugle, soyons honnêtes. Ici trois raisons :

  • un sujet ô combien original (enfin je crois) au théâtre : le spiritisme.
  • une compagnie dont j’avais repéré le nom à la Manufacture, théâtre à la bonne réputation du Off d’Avignon.
  • une comédienne : Claude Perron découverte dans « Bernie » d’Albert Dupontel et qui m’a fait énormément rire dans la série « Working Girls ».

A travers sept tableaux, la compagnie le T.O.C. présente divers cas de spriritisme dans le temps (du milieu du XIXe siècle aux années 70) et l’espace (des États-Unis à la France en passant par l’Angleterre). Elle convoque même des grands noms comme Victor Hugo ou les Surréalistes André Breton, Robert Desnos, qui ont vraiment participé à ces séances un peu particulières. Devant ce spectacle, on est tour à tour (de magie… désolé) intrigué, amusé, lassé (par les changements de décors un tantinet trop longs), surpris.

Deux moments : Quand tu entends un coup, deux coups frappés sur la table tournante, alors que personne sur scène ne parait en être l’auteur. Mais comment font-ils ? Et vous serez assez étonnés de voir ce que Claude Perron est capable de faire dans le dernier tableau, je n’en dis pas plus.

La pièce stylisée aux accents documentaires (les procès verbaux des séances de tables tournantes menées par Victor Hugo et ses proches en sont le point de départ) constitue en tout cas une tentative osée de représenter cet univers inédit. Et on ne peut qu’encourager cette entreprise.

Jusqu’au samedi 16 février 2019 au Théâtre Berthelot

(épilogue)

J’aime les représentations à 19h parce que ça ne nous fait pas rentrer tard à la maison. Peine perdue, le spectacle a commencé avec une demi-heure de retard à cause de ces satanés spectateurs parigots coincés dans le métro… Ne nous plaignons pas. Pas cette fois. Ce que j’ai apprécié dans cette journée, c’était de prendre le temps. Un premier spectacle, du temps pour réfléchir, boire un thé à la menthe, prendre des notes, me faire tirer le portrait par un photographe à l’ancienne (et son appareil à collodion) au Théâtre Berthelot, un second spectacle, enfin retourner au bercail, à la fraîche, sans presser le pas. Quelques heures pour ne penser à rien d’autre. J’aime les mercredis après-midis. Et les soirs aussi.