La Parole Errante accueillera les 4 et 5 octobre une re-création de la pièce d’Armand Gatti « Une Journée dans la vie d’une infirmière ou pourquoi les animaux domestiques ? ». Ce texte, écrit en 1968, parle d’une femme, Louise, qui doit« livrer un combat quotidien contre l’horloge, la tyrannie de sa chef de service et s’active pour ses malades, mais aussi pour ne pas entendre « les fils d’araignées qui chantent… » ».

Juliette Mailhé et Sophie Troise, respectivement comédienne et metteure en scène de cette nouvelle version, nous en disent un peu plus.

Un… deux… trois

Juliette Mailhé : La première fois que j’ai joué cette pièce, c’était en mars 1996. Nous l’avons jouée pendant 3 ans dans des théâtres mais aussi dans des maisons de retraite, des hôpitaux, pour des associations du 3e âge, de femmes, d’enfants en difficulté. J’étais alors une jeune comédienne célibataire sans enfant et il m’a semblé évident de reprendre ce rôle une fois devenue mère, plus tard, pour savoir ce que ça faisait de l’intérieur. J’ai eu une fille en 2003 et en 2005, c’était le bon moment : j’ai repris la pièce une deuxième fois avec un nouveau metteur en scène. Et aujourd’hui, pour la troisième fois, je présente à nouveau ce texte… Dans un parcours, les rendez-vous qu’on peut avoir avec un personnage, c’est extraordinaire…

Cette re-création m’oblige à aller chercher le jeu dans les recoins et presque à « désapprendre » ce que j’avais fait, pour lui donner un nouvel éclairage. C’est très excitant. Par exemple, grâce à Sophie, je respecte beaucoup plus la ponctuation, les parenthèses… Quand on retrouve un rôle, on le retrouve avec ce qu’on a vécu entre temps. Comme le dépôt qu’on trouve après avoir bu une tisane ou un thé. Il y a un côté archéologique… les strates du temps. Il y a ce qu’on vit…

Une rencontre

Sophie Troise : On se croisait souvent dans les studios de doublage. On a beaucoup parlé théâtre et on a eu envie de travailler ensemble.

Juliette Mailhé : Quand j’ai vu aussi jouer Sophie, j’ai tout de suite voulu travailler avec elle. Ça a été un détonateur.

Un texte d’hier et d’aujourd’hui

Sophie Troise : Armand Gatti a écrit ce texte en 68 mais cette pièce est extrêmement actuelle avec les conditions de travail très difficiles en milieu hospitalier et aussi la surcharge mentale que toutes les femmes endossent quand elles vivent seule ou même en couple. Et c’est le cas du personnage de Louise qui vit avec un mari absent. Elle doit tout gérer. Ça fait écho avec le travail que j’ai pu faire avec des femmes en situation de vulnérabilité. Il y a une course contre la montre effrénée : préparer les enfants, les repas, se préparer soi, aller au travail… Il y a cette pression de la hiérarchie, des malades. Et malheureusement cinquante ans après l’écriture du texte, il n’y a pas eu une grande évolution, et pour les femmes, et pour le milieu hospitalier.

Juliette Mailhé : Depuis 68, les conditions de vie de Louise se sont améliorées. A l’époque, avoir une douche chez soi n’était pas acquis. Aujourd’hui, oui. En revanche, les conditions de travail sont bien pire maintenant qu’en 68. Tout le monde sait aujourd’hui que l’hôpital est géré comme une entreprise, avec des techniques managériales extrêmement violentes, alors que c’est censé être un service public !

Armand Gatti et la Parole Errante

Juliette Mailhé : D’après les didascalies de la pièce, le public est configuré comme un octogone. Louise est au centre. Le jeu n’est pas frontal. C’est contraignant, mais cela donne des libertés, parce qu’on peut jouer où on veut. J’aimais beaucoup chez Gatti et la Parole Errante l’idée d’aller porter la parole aux gens qui ne pouvaient pas se déplacer. Les personnes âgées étaient très heureuses qu’on joue dans leurs maisons de retraite. Et le personnel hospitalier, qui prenait le temps alors qu’il n’en avait que très peu (et encore moins aujourd’hui qu’il y a quinze ans), était très touché, parce qu’il se reconnaissait.

Sophie Troise : Par rapport à la reprise de la pièce, c’était logique de le jouer à la Parole Errante. C’est bien de revenir au berceau. « Je ne sais pas où je vais, mais je sais d’où je viens ».

Juliette Mailhé : Je n’avais jamais joué ici et en venant ici…

Sophie Troise : …C’était une évidence.

Juliette Mailhé : Cela aurait été absurde de ne pas le faire ici.

Sophie Troise : C’est un lieu d’accueil, très inspirant, avec une grande liberté, une bienveillance… J’aime beaucoup créer ici. On est chez Armand Gatti, on va jouer dans ce lieu une pièce qu’il a créée, c’est très fort. Ça ajoute une dimension poétique et affective.

Juliette Mailhé : C’est extrêmement rassurant… ces endroits… qui ne sont pas trop soumis à la dictature de la norme. C’est une bulle d’air. Puissent-ils tenir longtemps !

 

Nos remerciements à Juliette Mailhé et Sophie Troise pour nous avoir consacré un peu de leur précieux temps, surtout à quelques jours des représentations, ainsi que pour la petite visite de ce lieu emblématique qu’est La Parole Errante.


La Compagnie Bientôt Peut-être présente :
Une journée dans la vie d’une infirmière ou les animaux domestiques
Une pièce d’Armand Gatti, avec Juliette Mailhé et mise en scène par Sophie Troise
Les jeudi 4 et vendredi 5 octobre 2018 à 20h30 (durée : 1h) à La Parole Errante Demain (9 rue François Debergue)
Réservations : compagniebientotpeutetre@gmail.com
(Tarif plein : 10€ / Tarif réduit : 7€ / Tarif jeune public : 5€)
 La Parole Errante

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