J’ai rencontré la Chef Nari un après-midi ensoleillé du mois d’avril, chez elle à Montreuil. Pour l’occasion elle avait concocté un menu aux saveurs locales, dont je me souviens encore avec émotion. Un vrai délice ! J’ai passé un très agréable moment avec ce vrai rayon de soleil, qui parle avec passion de la cuisine. Elle qui est devenue Chef à 30 ans, elle n’a rien à envier aux plus grands, et je pense que vous allez entendre parler d’elle ces prochaines années. A suivre !

chef Nari Montreuil

 Chef, pourrais-tu décrire ton activité ?

Je suis Chef à domicile et traiteur, mais principalement traiteur. Mariages, baptêmes, soirées entreprises, cocktails, apéritifs dînatoires, je fais un peu de tout. Les prestations peuvent aller du bar à bonbons à la soirée champagne. C’est assez large.

Avant d’être à mon compte j’étais en restauration classique, au Perchoir à Paris, à la Favela Chic. Quand on a décidé de fonder une famille avec mon compagnon, je me suis rendue compte que travailler 70 heures par semaine ce n’était pas forcément l’idéal. Après mon congé maternité, nous avons donc envisagé cette solution. Nous avions un peu de réseau, j’ai commencé à poster mes plats sur Facebook, Instagram, et cela a donné envie aux gens de me contacter pour des prestations. Et puis tout s’est fait de manière assez naturelle. Je trouve ça super d’être mon propre patron, de choisir mes prestations, de choisir quand je travaille et quand je me mets à disposition de ma fille.

 chef Nari Montreuil

Qu’est ce qui pourrait te manquer ?

La seule chose qui pourrait me manquer sont les collègues ; même si les collègues en restauration sont parfois un peu spéciaux, machos.

Du coup je me parle à moi-même, à mes poireaux (rires). Quand je travaille sur de grosses prestations j’embauche du personnel. Mon objectif à terme est d’ouvrir un restaurant à Montreuil, de pouvoir retourner dans un local.

Chez moi j’ai deux cuisines, cinq frigos et une super cave aménagée. Cependant j’ai souvent l’occasion de cuisiner sur place, ce qui est plus pratique pour des questions d’hygiène et pour les produits. Chez moi ça devient difficile quand je dois sortir plus de 200 couverts !

 Qu’as-tu suivi comme formation ?

J’ai fait un CAP de cuisine à 30 ans. Avant j’étais danseuse. J’ai un parcours assez atypique. J’ai dansé pour Matt Pokora, Puff Daddy, Mariah Carey ; j’ai fait de la salsa, samba, je faisais partie de troupes afro caribéennes. J’ai pas mal dansé an fait. Avant cela j’avais fait des études de droit mais à un moment donné j’ai décidé de tout arrêter pour danser. J’avais la vingtaine, c’était le moment d’en profiter. Puis arrivée à l’âge de 30 ans, j’ai eu l’impression d’avoir fait le tour de ce que je voulais faire, des gros artistes, des tournées américaines… Au bout d’un moment physiquement cette carrière devient difficile, on a plus la même pêche qu’à vingt ans ! Et puis on en a discuté avec mon chéri. Il m’a dit que la seule chose à laquelle il me voyait consacrer des heures était la cuisine. Je cuisinais déjà beaucoup à la maison. Toutes les émissions comme « Top Chef » me faisaient rêver. J’ai donc décidé de retourner à l’école et de faire une formation pour adultes pour passer mon CAP. C’était très dur mais en même temps une formidable expérience. Dès mon arrivée j’ai dit à mon prof que je voulais absolument passer dans des restaurants étoilés au guide Michelin. Je voulais y faire tous mes stages. Je savais qu’en tant qu’ancienne danseuse, femme, qui débarque en formation pour adulte, ça allait être un peu plus difficile. Mais j’ai été un bon soldat, je me suis bien accrochée et l’expérience a été vraiment incroyable, très enrichissante. Être dans les cuisines, être Ratatouille en fait (rires), c’était top. Le rayonnement de la cuisine française est tellement important, j’étais absolument fascinée.

Et qu’as-tu appris dans ces restaurants ?

Dans les restaurants étoilés le niveau d’excellence est incroyable. En tant que stagiaire je n’avais pas le droit de toucher aux produits les plus nobles. Avec les gamins de 15 ans je devais me coltiner les petites manutentions. J’ai recommencé tout en bas de l’échelle. Pendant un an, il y a plein de fois où j’ai craqué. De temps en temps je dansais encore pour faire rentrer de l’argent. C’était très difficile quand je dansais la nuit et que je devais être à huit heures dans les cuisines, au taquet avec la veste impeccable. Je faisais à l’époque 55 heures par semaine sans être payée un centime. Mais j’étais payée en apprentissage, en expérience et je savais que ça valait le coup !

 Quelle est ta meilleure expérience pendant ta formation ?

Quand tu es en reconversion, tu arrives avec une certaine humilité. J’étais donc un bon soldat, j’ai pris sur moi. En cuisine, à part le Chef il ne vaut pas mieux avoir d’égo. C’est un monde très violent et machiste. Mais en étant un bon soldat et en faisant profil bas ça a marché. Les grands Chefs me disaient que si j’avais besoin d’un coup de main dans ma carrière je serais la bienvenue. Ça c’était une grande reconnaissance pour mon travail. En cuisine c’est l’armée. Le respect de la hiérarchie est très important. Mais j’étais déterminée, je devais à 30 ans rattraper mon retard et être aussi capable que si j’avais commencé à 15 ans.

chef Nari Montreuil

Et la pire ?

La violence en cuisine. J’ai vu des casseroles voler, des coups de sang, et cela de manière très fréquente. Ça recommence tous les jours. La cuisine c’est un sprint et un marathon en même temps. C’est physique. Certains arrivaient à 6h pour tout préparer car à 11h tout devait être impeccable.

La cuisine française est tellement excellente, les attentes tellement hautes, qu’il y a forcément le revers de la médaille. Moi par exemple j’ai dû faire des manutentions qui me font sourire aujourd’hui : je devais peler un citron, retirer la peau blanche et la tailler en losanges de même taille, et si ce n’était pas le cas je devais tout recommencer. Et en même temps je devais avoir un œil partout pour apprendre des techniques.

La cuisine c’est un sprint et un marathon en même temps. Chef Nari

Et donc après ta formation d’un an de CAP qu’as-tu fait ?

Je me suis retrouvée avec une ancienne copine de fac de droit, épicurienne. Elle m’a invitée un jour à un dîner avec plein de restaurateurs. Un d’eux recherchait justement du personnel et je me suis proposée. Il m’a embauchée au Perchoir. J’ai bien sué, c’était ma première expérience rémunérée. J’ai commencé tout en bas de l’échelle. Puis je suis passée de Commis de cuisine à Chef de Parti. Il y avait quand même pas mal de pression, de nombreux couverts à sortir et je n’avais pas encore la dextérité pour aller aussi vite. Et puis je ne m’entendais pas avec une personne de l’équipe. J’ai donc décidé de partir. À cette époque je faisais déjà des brunchs au Paname, je m’y suis alors consacrée quotidiennement pendant deux ans. Là, j’avais la place du Chef. Je faisais des courses, des ratios. J’ai alors pris confiance en moi et je me suis dit que j’avais la capacité d’être Chef.

Aujourd’hui je ne regrette absolument pas d’avoir pris cette voie, la cuisine est ma grande passion. Je suis toujours à l’affût des dernières épices, produits. Quand je sors pour m’acheter des baskets, je reviens avec des paniers remplis de choux fleurs (rires).

Après les brunchs j’ai été débauchée par la Favela Chic. Ils voulaient un chef un peu plus créatif et surtout présent physiquement. J’y suis restée six mois. C’était de la cuisine brésilienne, beaucoup moins chic, beaucoup plus généreuse. Je me suis alors donné le challenge de mettre mes compétences en gastro pour la carte. Et puis je suis tombée enceinte.

Quels produits aimes-tu particulièrement travailler ?

Moi j’aime faire de la cuisine fusion avec les techniques de la gastronomie française. Par exemple dans le plat que j’ai préparé pour ta venue, la purée de pomme de terre est faite avec un peu de café éthiopien. J’aime mélanger les saveurs, prendre le meilleur de différents univers. Je puise ma créativité dans le voyage culinaire, dans l’invitation au voyage et à la découverte. Il n’y a pas longtemps j’ai revisité le Paris-Brest pour en faire un Paris-Dakar. Au lieu d’avoir une crème pralinée classique, j’ai fait la crème à la fleur d’hibiscus et aux cacahuètes. C’était la technique française avec une touche de voyage.

 chef Nari Montreuil

Quels sont les Chefs qui t’inspirent ?

J’aime beaucoup Pierre Gagnaire. Il est très poétique. Il arrive à sublimer des choses simplement et de manière très humble. Et puis sinon il y a Maïté. Je suis une grande fan ! (rires) Quand j’étais petite je regardais toutes ses émissions. J’apprécie son rapport au terroir à la fois drôle et humble ; je l’adore !

Quels sont tes projets pour l’avenir ?

J’aimerais beaucoup ouvrir un restaurant, pour pouvoir y partager ma cuisine avec les gens. Ma cuisine me ressemble, elle est métissée, voyageuse, elle est plutôt jeune, moderne, féminine, c’est une cuisine de l’amour. Je n’ai pas des rêves grandioses, une vingtaine de couverts suffiront mais avant tout de bons produits, c’est essentiel. Je cuisine toujours les produits de saison, locaux, et bio. Je fais d’ailleurs mes courses très souvent à Montreuil, et notamment chez Nonante.

Ma cuisine me ressemble, elle est métissée, voyageuse, elle est plutôt jeune, moderne, féminine, c’est une cuisine de l’amour.

Ma vie est rythmée par les saisons des fruits et des légumes. Je suis tellement heureuse au changement de saison, j’ai l’impression de retrouver des amis (rires). Je suis complètement dingue de l’automne, qui est la plus belle saison à mes yeux. C’est la saison des huîtres et des truffes. Il faut savoir qu’il y a également des saisonnalités pour le fromage, pour la viande.

J’ai d’autres projets comme la création d’une émission culinaire, je croise les doigts. Je prépare aussi un concours de cuisine dédié aux femmes, La Cuillerée d’Or. En effet aujourd’hui il me manque encore quelque chose : être reconnue par mes pairs, et surtout dans ce milieu assez macho. Gagner des concours me permettra de me sentir vraiment partie de ce corps de métier.

Recette présentée :

Rôtie de veau de Salers, mariné dans de la bière montreuilloise accompagné d’une poêlé de pomme de terre et shiitake soupoudré de café éthiopien.

Les bons plans de chef Nari :

> Le brunch chez Gros Gourmand

> Rio Dos Camaraos pour la cuisine africaine (Sénégal, Mali)

> Crion by Christina (nouveau)

>Le Jardin de Montreuil (très joli cadre)

>Le sandwich chaud de chez Nonante (Snack)

>La Plateau des Mille Vaches pour la cuisine iranienne


La suivre sur Facebook

La suivre sur Instagram