Jennifer Lavallé est montreuilloise depuis 10 ans. Monteuse de films documentaires et documentaliste, elle écrit de la poésie depuis toujours et contribue à la revue de poésie en ligne Chamboule-tout, qui s’adresse aux enfants. Elle a publié au mois d’août chez Sonorité éditions  Un trou dans la page, petit bijou poétique illustré tout en douceur et en onirisme par Claude Biche. Un arbre sort d’un livre pour s’adresser à une petite fille et l’emmener au cœur de la forêt primaire.

Jennifer Lavallé
Un trou dans la page – Si les arbres pouvaient parler Jennifer Lavallé, Claude Biche
Sonorité éditions

Par la beauté des illustrations, le livre plaira aux plus petits comme aux plus grands. On peut le commander en ligne (sur librest.com) ou en librairie (il est actuellement disponible à Zeugma).

Jennifer Lavallé
Jennifer Lavallé

Si tu étais un arbre, ce serait.. ?

Jennifer Lavallé : Un saule. Il y avait un saule dans le jardin de mes grand-parents, en Belgique. Je m’allongeais dessous, j’y lisais, j’y passais des heures… C’est l’arbre de mon enfance.

Quelle est ta page préférée dans « Un trou dans la page » ?

C’est la page où la petite fille est allongée dans une barque et où l’on voit des étoiles tout autour d’elle. Quand j’étais petite, j’adorais regarder les étoiles. J’aime toujours ça, et j’aimerais pouvoir mieux les voir. Ce serait tellement bien qu’on puisse avoir un vrai couvre-feu pour regarder le ciel la nuit !

Les illustrations de Claude Biche sont magnifiques. Est-ce que le livre s’est construit d’abord autour du texte ou autour des images ?

Claude Biche, c’est ma mère ! Le texte est d’abord parti d’un poème que j’avais écrit et que je lui ai envoyé. Elle est peintre et quand elle l’a lu, elle m’a dit qu’elle aimerait bien l’illustrer. Je me suis dit que c’était une super idée, et on s’est embarquées là-dedans toutes les deux. Ma mère a fait toutes les illustrations. Dans certains cas, je me suis inspirée de peintures qu’elle avait faites auparavant et on les a intégrées au livre, donc j’ai retravaillé le texte. Et ce qu’il faut savoir, c’est que la petite fille sur les peintures, c’est ma fille et donc sa petite-fille ! Ma mère a peint à partir de photos qu’on lui envoyait.

Combien de temps a-t-il fallu pour porter le projet à bien ?

Cela nous a pris environ deux ans pour maturer le projet. Au début, je voulais imprimer les livres sur du papier fait dans un moulin à papier à l’ancienne ! J’ai fini par abandonner, financièrement et techniquement c’était impossible. Mais au final, le livre est entièrement imprimé sur du papier recyclé.

Jennifer Lavallé

C’est un livre qui porte un message fort sur la puissance de la nature et l’importance de la préserver. Quel est le moment dans ta vie où tu as pris conscience des enjeux écologiques ? Est-ce que tu étais une petite fille comme celle du livre ?

J’avais 12 ans à l’époque de Tchernobyl… J’ai eu assez jeune ce sentiment qu’il fallait faire quelque chose pour la nature, que nous étions en train de générer de la destruction et qu’on ne pouvait pas continuer comme ça.

C’est clair qu’il y a une urgence écologique, et de plus en plus. Le système capitaliste ne permet pas de prendre en compte cette urgence, alors qu’il devrait être possible de vivre en harmonie avec la nature ! Ironiquement, j’ai reçu le premier exemplaire du livre en fin août, le jour où les journaux titraient tous sur la destruction par les flammes de la forêt amazonienne.

Et en même temps, c’est un livre très doux.

Oui. Je voulais alerter les enfants sur les dommages que l’homme cause à la nature, mais en adoptant un ton qui ne renonce pas à l’onirisme, au rêve, et qui montre surtout la beauté de cette nature, sa force. Parce que la puissance onirique, la puissance de l’imaginaire, tous les enfants la portent en eux et elle est en lien avec la nature.

C’est donc ta mère qui a fait les illustrations, ta fille qui a servi de modèle pour les peintures… est-ce que c’est un livre qui parle de transmission ?

Cela parle surtout de résistance. La nature est belle, elle est foisonnante, elle se défend, elle ressurgit. Dans le livre, c’est un arbre qui s’adresse à la petite fille. Pour moi c’est important. Je voulais que pour une fois ce ne soient pas les hommes qui parlent à la place des arbres. Je me suis dit : si un arbre pouvait parler à une enfant, qu’est-ce qu’il dirait ? Il dirait : « S’il te plaît, aide-moi ! ». Cela rejoint les slogans de la COP 21 : « Nous sommes la nature qui se défend ! » La nature ne peut pas se défendre elle-même, alors il faut l’incarner, lui donner la parole.

Après, oui, c’est vrai que j’ai voulu transmettre certaines idées. On raconte tellement de choses aux enfants ! Ils sont, comme nous, soumis à la société de consommation, à la société des images. J’ai voulu leur parler de la résistance à la société de consommation, j’ai cherché à leur donner envie d’être acteurs des choses. C’est un livre qui veut faire rêver les enfants, mais pas seulement : c’est aussi fait pour leur donner envie d’agir.

Interview réalisée par Ana Ressouche