Epilogue

Le ciel passa d’un bleu profond à un rouge vif. Tous avaient maintenant les yeux tournés vers l’astre lumineux. Désormais celui-ci remplissait l’horizon d’un jaune éclatant. Dans les arbres, les oiseaux s’étaient tus. Seul le vent continuait de souffler dans les feuilles. Dans les rues les quelques voitures encore en circulation s’étaient arrêtées au milieu de la chaussée. Le conducteur et les passagers étaient sortis et levaient les yeux en posant la main sur le front pour se protéger de la lumière. C’était cette même onde, fluide et lourde qui allait nous faire disparaitre. Dans quelques secondes tout allait devenir  flamme, puis cendre et enfin poussière. Nous ne serons plus qu’un souvenir, un récit numérisé dans un disque dur envoyé dans l’espace. Si jamais un jour, quelqu’un, une chose, une machine l’intercepte et parvient à le lire, il pourra alors raconter l’histoire des Hommes.

Voila le moment redouté. Adieu. Nous brûlons.

Le conseil municipal s’était réuni pour une assemblée extraordinaire. On se promit de faire les choses en grand. On vota pour des grands banquets dans les parcs. Vu la situation, l’argent n’était plus un problème. On ordonna de vider les grandes surfaces de la ville. La première à être visitée fut celle près du rond-point du périphérique. Des bus furent remplis de vivres. On laissa le reste aux habitants. Ceux-ci se partagèrent le matériel hifi et autres vêtements. Ce fut ensuite le tour de la grande surface près de la mairie puis le grand magasin situé à côté de l’IUT.

Il fut décidé qu’un banquet populaire aurait lieu tous les jours de la dernière semaine. Les parcs des Beaumonts, Guilands et Montreau servirent de salle à manger pour les habitants. On y amena des grandes tables que l’on disposa en carré. Chaque personne devait venir avec son siège. Les deux premiers jours furent un chaos total. Les derniers jours furent un succès. Une équipe de volontaire se chargea de préparer des plats simples mais délicieux. Au bout du deuxième jour, on invita les personnes âgées des maisons de retraite à se joindre à la population. Le troisième jour, ce furent les enfants et les adultes en situation de handicap qui étaient assis les premiers autour de la table. On ne refusa personne et tout le monde trouva une place et mangea à sa faim.

Très rapidement, on réquisitionna les hôtels pour loger les personnes dans le besoin. Au Méliès, le cinéma diffusa gratuitement des films 24h sur 24h. Devant le nombre croissant de demandes, un écran géant fut installé sur la pelouse du stade d’athlétisme. On organisa des votes pour le choix des films. Non sans mal.

Au café la Pêche, on programma des concerts tous les soirs. Les studios de répétitions étaient désormais gratuits et ouverts toute la nuit. De nombreux groupes se formèrent durant la dernière semaine. On se pressa pour composer des nouveaux titres. Les groupes du coin furent programmés pour le dernier soir. A la fin du concert, le dernier groupe détruisit son matériel dans un vacarme métallique. Le public les encouragea dans leur fureur. Ce fut comme un exutoire pour public présent ce soir-là.

Dans les bibliothèques de la ville, on organisa des lectures et des débats philosophiques. On amena de grands canapés et des tapis pour accueillir les lecteurs. Le parc à côté de la mairie était noir de monde. Le marchand de glace sur la place partagea tout son stock. Il fit plusieurs aller et retour avec sa camionnette pour aller se ravitailler. Les manèges pour les enfants étaient gratuits. On organisa un roulement pour que tous puissent en profiter.

Dans les théâtres, on augmenta le nombre de représentations. Les associations de théâtre amateur jouèrent des scènes de différentes pièces devant un public indulgent.

Les bus étaient maintenant gratuits et fonctionnaient jour et nuit. On laissa la place pour la circulation. A Croix de Chavaux, on installa des tables et des chaises. Les gens discutaient bruyamment en buvant du café et du thé à la menthe. Les portes du Chinois étaient restées ouvertes et l’on y entendait de la musique sud-américaine. L’ambiance était parfois à la fête. Une fois le calme revenu, les gens se regardaient en silence. Les mots manquaient parfois.

Puis ce fut le matin du dernier jour.

Dans les rues, les gens sortirent en fin de matinée. Les familles profitèrent des derniers moments passés ensemble. Dans l’après midi à La Noue, des jeunes étaient rassemblés en bas des tours. Ils discutaient bruyamment en s’invectivant à tour de rôle. Plus tard, on les vit jouer au football.

Dans les parcs, des amoureux se tenaient la main. Des couples étaient venus avec leurs enfants. Les petits jouaient dans les bacs à sable et sur les toboggans. Parfois, ils levaient la tête et saluaient leurs parents en leur faisant de grands gestes. Les adultes leur rendaient leurs sourires avant de fixer le ciel avec inquiétude. Une maman brisa le silence. « Ils grandissent vraiment si vite…. » Les autres parents étaient trop émus pour parler mais saluèrent l’initiative de la femme par un large sourire. Soudain, on commença à ressentir une forte hausse de la température.

Introduction

La nouvelle fit bien entendu la une des journaux, des radios et des différents contenus sur internet. Les scientifiques étaient formels. Il n’y avait aucun doute et aucune solution. Ils avaient prévu la date et l’heure de la collision. La marge d’erreur possible était de quelques minutes, ce qui ne laissait vraiment aucune chance à l’humanité. C’était prévu pour dans une semaine. Sept jours, pas un jour de plus, pas un jour de moins. Dans sept jours il ne restera rien. Pas une fleur, pas un arbre. Le soleil allait venir percuter la terre. Nous allions disparaitre.  D’ici là, comment allons nous nous organiser ?