Sur la scène représentant un ancien théâtre de marionnettes, deux comédiens et deux comédiennes transformés en pantins vivants, donnent souffle et vie aux paladins protagonistes du poème épique de la Chanson de Roland. Une pièce moderne, empreinte de poésie.

Les chevaliers de Charlemagne ©SandraBonecchi

Ce n’est pas tant à Matteo Maria Boiardo, auteur du “Orlando amoroso”(Roland Amoureux, 1483) ou encore à Ariosto qui en écrivit la suite “L’Orlando Furioso” (1505) que l’auteur transalpin Francesco Niccolini fait référence, même si la filiation est évidente, non c’est à Pier Paolo Pasolini et son court “Cosa sono le nuvole”  (Capriccio all’Italiana film à sketch de Mario Monicelli) où l‘immense comédien Toto, Ninetto Davoli , Ciccio Ingrassia et Domenico Modugno rejouent l’Othello, transformés en marionnettes humaines, cherchant la vérité absolue de leur être et de leurs actions, pour se retrouver face « à l’épouvantable, merveilleuse beauté de la Création ». Ainsi nos valeureux paladins commencent leur voyage les yeux rivés au ciel, un ciel rempli de nuages dont ils ne peuvent saisir que la fugacité et la dimension poétique, tels des enfants émerveillés et innocents. À l’instar de Pasolini et son Othello,  Niccolini raconte l’aventure chevaleresque et tragi-comique de Rinaldo, Astolfo, Angelica, Bradamante, Fiordiligi, Orlando pour finir sur la sanglante bataille de Roncevaux.

Orlando aime follement Angélique qui le dédaignant tombe sous le charme de Médor. Bradamante aime le chevalier sarrasin Roger qui se refuse à elle à cause d’une prophétie prédisant sa mort à la naissance de l’enfant issu de leur union.

Les chevaliers de Charlemagne ©SandraBonecchi

Jeux de l’amour, jeux de guerre, pantins articulés et désarticulés aux visages peints de blanc, aux costumes baroques et foutraques qui sont d’une beauté quasi magique et nous font oublier qu’ils sont un savant mélange de ‘récup’, de tissus, chiffons, casseroles et fourchettes aux couleurs chatoyantes mais jamais criardes. Et si les personnages voyagent continuellement et parcourent de nombreux pays, ils nous emmènent aussi dans l’imaginaire et dans un prodigieux voyage sur la Lune. Le décor simple laisse donc toute la liberté aux comédiens, absolument formidables, d’exprimer toute la dimension comique et tragique de cette histoire chevaleresque.

Les chevaliers de Charlemagne ©SandraBonecchi

Les chevaliers de Charlemagne ©SandraBonecchi

Les chevaliers de Charlemagne ©SandraBonecchi

Les chevaliers de Charlemagne ©SandraBonecchi

Les comédiens sont italiens. Ils ne parlent pas la langue de Molière et ont mis un point d’honneur à apprendre le texte en français, adapté pour l’occasion par l’auteur, comédien, directeur de la Girandole Luciano Tramaglino. C’est truculent, drôle et toujours sensible. Ça parle fort, ça déclame des promesses d’amour aussi bien que des déclarations de guerre. Ça se donne des grands coups d’épée tonitruants.

Les chevaliers de Charlemagne ©SandraBonecchi

Là, où les enfants s’amuseront des bouffonneries et des pantomimes, les adultes se délecteront du second degré mais tous saisiront l’intense tragédie qui se déroule sous leurs yeux ébahis. Car si ce spectacle touche de manière si forte c’est qu’il parle de thèmes universels :

“La storia comica e tragica dei paladini di Carlo Magno racconta la bellezza e la crudeltà della vita.”

( L’histoire tragi-comique des paladins de Charlemagne raconte la beauté et la cruauté de la vie). Francesco Niccolini

Et c’est vrai que la mise en scène et l’expressivité des acteurs nous embarquent complètement. Ils réussissent à nous hypnotiser par leur jeu, leurs voix, ils endossent tous les rôles à tour de rôle. Le masculin et le féminin n’existent plus, seul l’humain prime, comme dans l’œuvre d’Arioste, traversée d’un fort courant féministe.

Les chevaliers de Charlemagne ©SandraBonecchi

L’auteur rappelle fréquemment que la femme est égale à l’homme, fustige ceux qui les maltraitent et présente plusieurs héroïnes, telle Bradamante la guerrière amoureuse rejetée et Marphise, qui renversent en combat singulier des chevaliers masculins des plus puissants.

Les chevaliers de Charlemagne ©SandraBonecchi

Nous traversons avec eux leurs aventures, de l’arrivée à la cour de la belle princesse chinoise Angélique dont tous les chevaliers sont fous d’amour, au massacre de Roncevaux. Roncevaux, où Roland sonnant le cor trop tard périt, où les corps massacrés sont abandonnés dans cette grande décharge sanglante. La boucle est ainsi bouclée, comme pour l’Othello de Pasolini, les yeux grands ouverts, regardant vers le ciel, Roland et ses amis se demanderont pour la dernière fois “cosa sono le nuvole” …

à partir de 8 ans

Du 14 au 23 NOVEMBRE

Au Théâtre de la Girandole  

4, rue Edouard Vaillant

Montreuil