Dario et son cousin Gallo ont décidé de fonder un club de motards en mobylette. Ils sont rapidement rejoints par Nati, recruté par une petite annonce. Alors que le club allait organiser une grande fête, Dario s’est mis en tête d’inviter les Nasty Pecheresses, le club de roller derby de la ville. Alors qu’il arrive sur leur lieu d’entrainement, Dario doit faire face à une la capitaine de l’équipe, qui visiblement n’a pas sa langue dans sa poche.

« On organise une fête la semaine prochaine. J’voulais inviter toute ton équipe. Ça vous dit de venir? » Sheitan le regarda de haut en bas. Elle n’en croyait pas ses oreilles qu’un petit bonhomme vienne lui adresser la parole comme ça. « Ouais, je vais en parler aux filles. C’est quoi ton numéro et je te rappellerai peut être. Y’aura de la bière?  » « Oui, je vais demander à mam… à ma mobylette d’en acheter… » Sheitan écarquilla les yeux. « OK« . Puis elle tourna les talons et partit rejoindre les autres joueuses qui avaient déjà commencé l’échauffement sur des tapis au sol. Dario était ravi de cette conversation. Lorsqu’il arriva devant chez lui, les autres membres l’attendaient déjà avec impatience. Il prit un air sévère. « Les gars, préparez la table de salon de jardin pour une réunion extraordinaire« . Rapidement, chacun trouva sa place. Au bout de la table se trouvait Dario. Autour de lui Gallo et Nati se tenaient droit comme des I.

« Hein, cousins, la semaine prochaine, c’est la première fiesta du club. Ça se fera ici même. Je suis allé voir les Nasty Pécheresses pour les inviter. Elles ont dit oui tout de suite« . Les autres n’en croyaient pas leurs oreilles. Ces filles là avaient une sacrée réputation dans la ville. On disait d’elles que, des fois, elles tiraient la langue aux gens dans la rue et qu’une fois il y en avait une qui avait vomi en sortant du Mange Disc. Alors que tout le monde regardait Dario avec des yeux admiratifs, Nati se leva et commença à frapper du poing sur la table en signe de respect. Les autres l’imitèrent à leur tour. Soudain, une voix puissante et chaleureuse se fit entendre de la caravane d’à coté. « Les gavalos, si y’en a un qui casse ma table ça mal finir. Allez Padja, il est déjà tard là. » « Oui madame, on va y aller. » lui répondit Nati, très respectueusement. Dario savait qu’il jouait gros sur ce coup là. Il avait mis sa réputation en jeu et son poste de président en péril en annonçant la venue des filles. Il ne se coucha pas tranquille dans sa caravane ce soir là. Il choisit un épisode au hasard de Sons of Anarchy et s’endormit avant le générique de fin.

La semaine passa vite. Il y avait plein de choses à préparer. Il a fallu faire les courses. Dario envoya le stagiaire à vélo chez Liddle près du Fort de Rosny. Comme il allait revenir chargé comme une mule, on lui accrocha une petite carriole derrière le vélo. Il revint tout transpirant avec des packs de bières, des chips, des cacahuètes et un bon stock de verres en plastique. On mit les bières dans un demi tonneau en plastique bleu coupé en deux. On prépara des bouteilles d’eau que l’on plaça dans le petit congélateur afin de refroidir l’eau dans le tonneau le moment venu. Gallo, en tant que trésorier, surveillait les dépenses avec attention. Il accorda tout de même un budget de 80 euros pour acheter de quoi passer de la musique. Nati prit la meule et partit chercher une chaîne Hifi vers Trois Communes vendue via une annonce Le Bon Coin. Une fois de retour, il brancha les enceintes. Puis il sortit sa collection complète de CD d’AC/DC et les premiers albums de Seth Gueko. La mama vint déposer un vieille cassette sur laquelle on pouvait lire Azock griffonné au stylo bille.

C’était déjà samedi 17h. Depuis le début de la semaine, Dario n’avait pas quitté son portable et attendait un signe de Sheitan.

18h. « Elles sont encore à l’entrainement »

19h. « Elles doivent être en train de se maquiller ».

20h « Les filles se font toujours attendre c’est bien connu« .

21h. « …. mais je te dis que si….« .

Alors que Dario regardait tristement le sol, des bruits de moteur de se firent entendre. Le président reprit courage et se précipita dans la rue pour accueillir ses invitées.

Il remarqua vite que quelques choses clochait. Il trouva en face de lui huit motards en mobylette. Il ne distinguait pas leur visage avec leur casque. Mais comme un des types avec sa visière cassée, il vit bien que ce n’était pas des filles. Il siffla pour ramener sa bande. Les autres rappliquèrent en quelques secondes. Un des types descendit de la mobylette. Il retira son casque. C’était un homme d’une quarantaine d’année, les cheveux cours sur le dessus et un peu long derrière au niveau de la nuque. Il portait une moustache fournie qui descendait le long de ses joues.  » Je suis Gégé, le président des Brochets de Bagnolet. » Il se retourna pour montrer le poisson dessiné sur le dos.  » Parait que t’as monté ton club comme ça, sans demander à personne, je te propose de régler ça pas vraiment à l’amiable, si tu vois ce que je veux dire« .  Dario regarda Gégé. Celui-ci faisait bien une vingtaine de centimètre et de kilo de plus que lui.  Mais il ne devait pas se dégonfler. Alors il fit un pas vers Gégé qui s’approcha alors à son tour.

Alors qu’ils se faisaient face, une voix se fit entendre: « C’est ici la teuf des NOA? Moi et les copines on meurt de soif. Fait péter les binouzes Dario !!!! » Sheitan regarda Gégé de haut en bas. Il fit de même. « Tu veux quoi guadjo? Tu veux te marave. Prends tes sept nains et du balai Blanche Neige. T’as pas l’air d’avoir été invité. Dégagez les morues !!! » Gégé voulut répliquer mais face à la détermination des filles derrière la capitaine, il préféra repartir avec les autres en direction de l’A3.

Les Pécheresses prirent place sur les chaises blanches du salon de jardin. On servit plusieurs tournées de bières ce soir là. Les filles racontèrent des histoires de match, leurs blessures, des anecdotes un peu gore, le tout sur fond de ragga et d’Highway to Hell repris en cœur.

A la fin de la soirée, plus personne ne marchait bien droit mais c’était toujours comme ça dans les fêtes de club de motards. Au moment de saluer ses invitées, Dario s’adressa à Sheitan en aparté. « La semaine prochaine, c’est le bal des Tatas, je voulais savoir… » Sheitan ne le laissa pas finir. « Tu crois quoi? Hein, Hein ??!!! Bon d’accord. Mais parce que c’est toi, hein ? Mais va pas t’imaginer des trucs, hein ? Bon ok. » Puis elle tourna les talons.

Le temps passa, les saisons passèrent. Mais depuis ce soir là, on vit toujours un motard stationné devant le gymnase à l’heure de la fermeture, un deuxième casque à la main.