« Des Figues en avril » de Nadir Dendoune dresse le portrait attachant et tendre de Messaouda, sa mère née en Algérie et arrivée en Seine-Saint-Denis dans les années 60. Le Méliès programme le film jusqu’au 17 avril. Entre deux projections-débats, et avant sa venue à Montreuil le 10 avril, Nadir Dendoune nous a consacré un peu de temps pour évoquer sa dernière création.

Dans votre documentaire, Messaouda raconte son exil, sa France, son quartier, ses enfants… C’est plus qu’un portrait de votre mère, c’est un véritable hymne aux quartiers populaires, aux gens qui ne font pas la une des quotidiens ?

C’est un hommage aux classes moyennes… C’est un film qui ne parle pas forcement aux classes dominantes. Je suis comme l’écrivaine Annie Ernaux, qui a dit qu’elle écrivait pour venger sa race, sa race de femme, sa race de prolo. La chose dont je suis le plus fier avec ce film, c’est de faire venir des gens qui ne mettent jamais les pieds dans un cinéma. Lors de la projection à Stains, il y a avait des gens qui venaient en famille, sur 3 générations. Ça touche le cœur. Ma mère a un discours universel, de classe. Elle est née dans un village, c’était une paysanne, elle a gardé les mêmes mimiques, les mêmes réflexes que lorsqu’elle était dans son village de Kabylie. Elle est restée la même.

Ce film permet aussi de sortir des clichés sur la banlieue

Quant on voit les films qu’on nous sort sur les quartiers populaires, c’est toujours les mêmes sujets, drogue, délinquance, extrémisme. Le vrai drame, c’est qu’il existe aucune diversité culturelle, tout le monde propose les mêmes films pour avoir un gros distributeur.

« Des Figues en avril », une histoire intime et simple… Comment s’est passé le tournage ?

Je suis un touche-à-tout. C’est un film modeste. C’est tourné simplement. J’ai pris une caméra et j’ai filmé ma mère en la laissant parler. Dire ce qu’elle avait envie. Je ne l’ai pas dirigé. Ce film est tourné avec une caméra cassette chose qu’on ne fait plus. Plan serré et filmé au quotidien. Ce sont des longues séquences, un film lent à son image. Ce film prend le temps. On est avec elle lorsqu’elle prend son café, on discute. C’est comme un séance chez le psy. Lorsque ma mère voulait parler, je sortais la caméra puisque la caméra était chez elle et comme chaque matin je vais prendre un café… C’est un film sur l’amour. Mon film touche car il est humain. Si ce film rencontre un tel écho, c’est je crois parce qu’il y a très peu d’œuvre comme ça .

©photo Arnaud BAUR

Vous étiez au Méliès le 4 avril, comment le public a accueilli votre film ?

L’accueil a été bon. On fait croire aux gens des quartiers populaires qu’ils ne peuvent rien faire. Que l’écriture ce n’est pas pour eux. Je suis intervenu pour dire à une femme dans le public que, si  si, on peut. J’habite l’Ile Saint-Denis et je suis fier d’être fils de prolétaire.

Comment allez vous faire vivre ce film qui va sans doute avoir une diffusion réduite ?

Par le bouche à oreille. Quelques médias en parlent aussi. On va mouiller la chemise. J’étais à Saint Étienne jeudi 5 avril, pour animer le débat après les projections. Vendredi 6, je suis à Mantes-la-Jolie. La semaine prochaine, je vais à Maubeuge, Roubaix, Toulouse… Je m’invite partout. C’est mon film,donc je me bats. J’ai aussi la chance d’avoir une équipe de potes (Arnaud, Nadia, Jean Jacques et Sandrine) qui se bouge pour le film. On a zéro budget communication. On a juste une page Facebook., malgré tout, on réussi a communiquer. Ça donne espoir, pouvoir se dire même sans tune, ça marche.

Messaouda, et vos proches en pensent quoi ?

Ma mère, je la sens heureuse. Elle vient aux projections. Elle est heureuse que la nouvelle génération comme elle l’appelle, aime ce film. Avant, elle faisait ses courses en 15 minutes maintenant beaucoup plus. Elle s’arrête et discute avec des gens. Avant, c’était la maman de Nadir, maintenant je suis le fils de Messaouda. Mes sœurs sont aussi fières. C’est un bel hommage. J’ai fait ce cadeau à ma mère, le but était de lui faire plaisir et lui rendre hommage et de rendre hommage à toutes les mamans, qui ont porté des familles à bout de bras.

Propos recueillis par
Christophe Barette


Des figues en Avril

au Méliès jusqu’au 17 avril et le 10 avril à la séance de 20h45, Nadir Dendoune sera présent.