A l’interco, on y meurt. On y naît. A 23h59, on ne saurait dire qui est le dernier né et qui est le dernier décédé de la journée . C’est ce que l’on imagine lorsque l’on passe à proximité de cette façade un peu vieillotte. Entre deux sirènes d’ambulance on peut entendre le son de Bein Sport sortir du kebab d’en face. On en oublierait presque l’heure tardive. Mais c’est l’été sur la Boissière. Les plus courageux finissent de remonter de la mairie. Le 129 devait partir dans 40 min. Certains ont préféré marcher.

Direction Montreau, la rue est pavé de petits restaurant: pizzas et kebabs surtout. Il y a une épicerie roumaine. À l’heure qu’il est, elle est évidement fermée. Je me serais bien arrêté pour voir ce que l’on y vend. Cette rue est interminable. L’épicerie de nuit fait toujours le plein. Il est 23h mais j’ai surtout envie d’un truc frais. Je trouve facilement mon bonheur. Je ressors. Je jette un coup d’œil amusé sur la boutique de bonbons juste à coté. Je met mon iPod en mode aléatoire.

En continuant à pied on se rend bien compte à quel point cette ville est en train de changer. Des friches, des friches en construction, des friches défrichées qui ressemblent à des terrains vagues. Construction du métro oblige, c’est ici que vont s’installer des nouvelles populations. En plus le parc n’est pas loin. Il est étrange ce parc. Le soleil qui se couche lui donne un coté mystérieux. J’aime son entrée majestueuse et fleurie, son petit parc pour les petits à droite. Il y a du de passage, des joggers, des poussettes, des vélos. Deux enfants à bout de souffle s’assoient sur un banc. Visiblement, « Sacha » ne veut plus monter cette grande cette grande côte à vélo. Je le comprends.

Il est 20h et je meurs de faim. Je coupe par l’IUT et j’arrive près des Beaumonts. Étrange nom de prison pour ce parc ouvert et sauvage. Je savais que je ne trouverais pas grand chose à manger dans le coin. Je sais que je dois aller encore un peu plus loin pour me dégoter un truc qui sort de l’ordinaire. En descendant je passe devant La Pêche. Des gens fument tranquillement dehors en attendant l’ouverture des portes. L’ambiance détendue me laisse à penser que ça doit être un concert de reggae. Effectivement ça sent le reggae. Je continue ma route. Alors que l’on joue au golf dans le parc derrière l’église, je décide de remonter une rue sur la droite et je me pose au Mange Disc. Les gens sont tranquilles à l’apéro. Je profite pour me commander un assiette charcuterie fromage. Une fois avalée, je regrette à peine d’avoir vanté mes talents cachés au baby-foot. Comme j’ai gagné une bataille mais pas la guerre j’en profite pour m’éclipser pendant que le soleil est encore haut.

En fin d’après midi, je prends cette route interminable qui ne m’amènera jamais jusqu’à la Noue. Devant Eugénie Cotton, des lycéens sortent tout juste de TD avec leurs portes-documents démesurés. La journée fut bien remplie. Le temps passe si vite. 16h30, une cloche retentit. C’est la sortie des petits. La fin d’année scolaire est proche. Les parents parlent de vacances, de « qu’est ce qu’ils ont grandit !!! » On s’interroge sur l’enseignante de l’année prochaine.

Il est déjà midi quand je me presse au centre commercial à l’entrée de la ville. C’est l’heure de la pause déjeuner du midi. Des banquiers, des vendeurs d’articles de sport, des personnels d’Air France échangent leur ticket restaurant contre un plat chaud ou un sandwich. Dans ce carrefour mal foutu les voitures se faufilent avec peine, surtout les jours du marché. Le siège de la CGT fait face au grand capital. Les deux mondes s’ignorent. Mais la vielle dame restera toujours de briques et de glaces face aux enseignes colorées qui attirent les regards. Je décide de fuir et je remonte la rue direction le marché. C’est un vrai plaisir de pouvoir parcourir les étalages tôt le matin, alors que le soleil ne tape pas encore trop fort. Les enfants sont à l’école. Les parents en profitent pour faire le plein de fruits et légumes. On entend plusieurs langues dans les allées. C’est devenu la musique du marché. Je ne comprends absolument pas ce qui est dit, mais je sais que je suis chez moi.

En allant vers la mairie, je m’installe au comptoir d’un petit bar en face de la poste. Je commande un café allongé en lisant l’équipe. Les lève-tôt sont là. Les gens qui bossent tôt, voir très très tôt. Les observant du coin de l’œil, je salue leur courage. Comme tous les jours à la même heure, la télé branchée sur les chaines d’infos déversent son lot de mauvaises nouvelles. Seule la page des sports nous sort un peu de notre torpeur face aux malheurs du monde. Même si les conversations vont bon train, on entend toujours ce bruit tellement familier de la tasse que l’on pose sur sa coupole. Le jour vient à peine de se lever. Quelle que soit la saison, il fait toujours froid à ce moment là. Frissons et quiétude. Ce silence est étrange car on se met à écouter les oiseaux qui chantent, ce que l’on ne fait jamais d’habitude. C’est bien dommage.

Je sors. En passant devant l’entrée du métro, je découvre le bruit de la grille du métro qui s’ouvre. Les gens qui travaillent tôt croisent les gens qui se couchent tard. Comme il y a peu de voitures on trouve que les bus font plus de bruit que d’habitude. Je décide de prendre la direction du nord. Il y a peu monde. Personne n’est vraiment réveillé, ni vraiment endormi. Il fait nuit. Les grands axes sont bien éclairés. Les gens, la nuit, sont toujours pressés. Les taxis roulent vite. La ville dormirait presque. Plus d’épicerie de nuit, pas de boulangerie ouverte. La seule agitation au nord c’est l’interco. A l’interco, on y meurt. On y naît. A 0h01, on ne saurait dire qui est le premier né et qui est le premier décédé de la journée .